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Programmer Richard Wagner au 21e siècle ne sera jamais simple. Renaud Loranger, directeur artistique du Festival de Lanaudière depuis 2018, originaire de Joliette, voit cependant une opportunité dans la programmation d’œuvres de Wagner.
« Il est important de considérer les œuvres de Wagner dans leur globalité, explique-t-il. Les idées sous-jacentes sont claires comme de l’eau de roche parce qu’il a beaucoup écrit à ce sujet. Tout cela fait partie de la mosaïque culturelle et il ne faut pas détourner le regard. »
Loranger, qui vit à Berlin depuis 15 ans, fait référence à l’antisémitisme tristement célèbre de Wagner en prévision de la représentation de Tristan und Isolde dans le cadre du festival. La représentation du 3 août réunira une pléiade de solistes, l’Orchestre Métropolitain et le maestro Yannick Nézet-Séguin au podium.
La programmation de la saison 2025 du Festival de Lanaudière est axée sur l’altérité, qui, dans ce cas-ci, renvoie plutôt au dialogue et à la dualité, comme l’explique Loranger. « L’altérité, l’identité et la pluralité sont les trois éléments qui traversent l’été comme des fils pourpres », explique-t-il sur le site web du festival. Les œuvres dialoguent entre elles comme les amants malheureux Tristan et Iseult qui convergent dans l’amour, la musique et la mort.
« L’expérience artistique permet d’unir les contraires, explique Loranger. Mendelssohn et Wagner; Carmina Burana et la huitième symphonie de Bruckner. L’expression ultime en est Tristan et Iseult, qui dissolvent leur propre individualité dans leur expérience de l’amour. »
La programmation d’Elias et de Paulus de Felix Mendelssohn—un compositeur d’origine juive—aux côtés de Tristan est également liée à cette question, car elle permet de confronter l’héritage troublé de Wagner. De même, les profanes Carmina Burana de Carl Orff côtoient la très catholique Symphonie no 8 d’Anton Bruckner.
Le festival présentera également L’incoronazione di Poppea de Monteverdi, des œuvres de Beethoven et un concert d’opéra italien avec le célèbre contre-ténor Franco Fagioli. Pour Loranger, la programmation de Tristan und Isolde est un moyen de résumer tous ces différents styles de musique en un seul opus.
« Wagner était redevable aux Italiens qui l’ont précédé, notamment Rossini et Bellini. À ces compositeurs, Loranger ajouterait Meyerbeer et Mendelssohn, bien qu’il suppose que l’antisémite Wagner aurait protesté. D’autres influences plus évidentes sont Webern, Berlioz et Beethoven.
Loranger admet que la programmation de la saison n’est pas entièrement planifiée en fonction de thèmes. Les grandes productions comme Tristan und Isolde sont fixées des années à l’avance, en concertation avec les chefs d’orchestre et les interprètes.
« Au début de ma collaboration avec le festival, j’ai eu l’idée de travailler avec Yannick pour programmer des œuvres qui s’alignent sur les nouvelles productions qu’il réalise à New York », explique Loranger, faisant allusion à l’Aïda de 2024, qui a précédé la nouvelle production du directeur musical du Metropolitan Opera à New York au cours de la dernière saison.
« Il sera intéressant de découvrir l’interprétation de Yannick », poursuit Loranger, qui souligne que le public de Lanaudière aura la chance d’entendre le célèbre chef canadien diriger l’œuvre pour la première fois. C’est un terrain nouveau.
Bon nombre des chanteurs présentés à Lanaudière reprendront leur rôle au Met. Mais Loranger affirme que les chanteurs viennent au festival non seulement à cause du maestro, mais aussi en raison de l’acoustique idéale. Il souligne également que le Canada produit depuis longtemps des chanteurs de classe mondiale, en citant notamment le ténor canadien Matthew Cairns et le baryton canado-américain Geoffrey Schellenberg parmi les interprètes de Tristan.
« Le niveau du talent vocal canadien, décennie après décennie, est incroyablement élevé, déclare-t-il. Nous avons tellement d’artistes importants. Il est tout à fait naturel de faire appel à des Canadiens. »
En pensant au public de Lanaudière, qui a déjà compté un jeune Renaud Loranger, le directeur artistique réfléchit profondément aux messages sous-jacents des œuvres qu’il présente chaque année, mais il ne croit pas qu’il faille expliquer ou donner trop de signes à son public.
« Il est important d’essayer d’utiliser les canaux dont nous disposons pour encadrer certaines parties de notre histoire », explique-t-il, en faisant référence à l’héritage troublé de Wagner et à l’accent mis par sa programmation sur l’altérité. « Tout cela fait partie de ce que nous sommes et d’où nous venons et devrait influer sur la manière dont nous nous comportons les uns avec les autres aujourd’hui. »
Il est difficile de trouver un plus beau canal que le Tristan de Wagner pour explorer de telles complexités.
Traduction : Andréanne Venne
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