Critique | CODA : la vie en musique – de la belle musique, des jeux d’acteurs inconstants

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Cette critique peut vous gâcher des surprises.

Un pianiste est accueilli par un tonnerre d’applaudissements lorsqu’il monte sur scène. Le public est ravi de voir ce musicien de renommée mondiale se produire à nouveau après son hiatus inexpliqué. Il est un héros pour beaucoup.

Mais il est aussi un simple homme. Il vacille durant sa prestation, paralysé par la peur et la solitude, et alors que l’inquiétude se répand dans la salle de concert, il commence à croire que ses jours de spectacle sont comptés.

Sir Patrick Stewart incarne à merveille le conflit interne du pianiste Henry Cole dans CODA : la vie en musique. Des trois acteurs principaux, Stewart est le plus nuancé dans sa façon de dialoguer. Le poids de sa voix et la lourdeur de ses silences le font paraître sage et humble, mais aussi peu sûr de lui et émotionnellement épuisé après le suicide tragique de sa femme et muse. Stewart renforce la tension ou l’intimité de nombreuses scènes grâce à ses expressions faciales subtiles, mais il peut également générer un ton désinvolte lorsque nécessaire grâce à des mouvements exagérés.

Bande-annonce YouTube de CODA : la vie en musique

Le seul problème de son jeu d’acteur est sa tendance à regarder la caméra pendant les longs plans à prise unique. Son contact visuel occasionnel avec le spectateur brise le quatrième mur d’une manière qui ne semble pas intentionnelle ou appropriée sur le plan thématique.

Katie Holmes a les qualités et défauts d’interprétation opposés. Elle joue le rôle d’Helen Morrison, qui est à la fois la narratrice du film et une pianiste/critique de musique qui écrit un long-métrage sur le légendaire musicien. Les mouvements et les expressions faciales de Holmes traduisent de nombreuses émotions contradictoires : Helen veut garder une relation neutre, bien qu’amicale, avec Henry pour maintenir ses normes journalistiques élevées, mais elle ne peut s’empêcher de tomber amoureuse de lui. Holmes donne au personnage une certaine douceur qui complète le stoïcisme d’Henry.

C’est dans le jeu de voix de Holmes que sa performance commence à faiblir. Elle a tendance à parler à Henry avec trop d’enthousiasme et d’amabilité, comme si elle prenait le pianiste de haut au lieu de le pousser à s’ouvrir sur la perte tragique qu’il vit. Ses répliques en voix off, en revanche, sont prononcées avec assurance et naturel.

Giancarlo Esposito, qui joue le rôle de Paul, le gérant attentionné mais arriviste d’Henry, constitue peut-être l’élément le plus faible du film. Le temps d’écran limité d’Esposito et son débit de paroles donnent l’impression qu’il n’est pas intéressé par le rôle : par exemple, sa préoccupation pour le bien-être d’Henry semble fausse dans le premier acte, au point qu’on a l’impression que Paul va devenir l’antagoniste du film. Esposito a de bons moments dans CODA, mais ils sont peu nombreux et espacés.

Giancarlo Esposito (à gauche) dans le rôle de Paul et Sir Patrick Stewart (à droite) dans le rôle de Henry Cole (capture d’écran de CODA : la vie en musique)

Au-delà des prestations des acteurs, il y a plusieurs effets spéciaux ou sons bizarres. Le gorille en CGI semble déplacé et de mauvaise qualité, probablement parce qu’il n’est pas clair qu’Henry et Helen se trouvent dans un zoo jusqu’à ce que le gorille apparaisse à l’écran. Les battements de cœur et les sons de métronome semblent également peu crédibles : leurs tentatives superficielles d’augmenter la tension pendant les scènes silencieuses empêchent les spectateurs de réfléchir par eux-mêmes.

En parlant de tension forcée, le fait qu’Helen et Henry s’embrassent à la fin du deuxième acte est une décision étrange, qui défie le ton. Au-delà de la différence d’âge, leur relation n’a jamais été construite comme une relation physique, mais comme une relation d’intérêts partagés et de désirs créatifs ; ils étaient importants l’un pour l’autre en tant que source d’inspiration mutuelle, et leurs implications étaient nuancées et satisfaisantes sur le plan narratif jusqu’au moment où ils s’embrassent. Les scénaristes sapent l’importance de leur relation en tentant d’accentuer le tragique de la mort d’Helen.

Le personnage de Holmes est autrement traité avec grâce. Aveuglée par le soleil couchant, la critique musicale conduit sa voiture sur la crête d’une colline et sur la trajectoire d’un véhicule venant en sens inverse. L’écran passe au blanc avant qu’il ne se passe quoi que ce soit, mais il est sous-entendu qu’elle meurt dans la collision. Pendant ce temps, la narratrice parle de l’éternelle récurrence de Nietzsche : si une personne devait revivre éternellement la même vie, soit elle mépriserait la douleur infinie, soit elle serait heureuse de souffrir en sachant qu’elle pourra également revivre les plus grands moments de son existence. La narration suggère que le concept philosophique consiste à apprendre à aimer suffisamment la vie pour accepter une telle répétition, ce qui prépare Henry à un voyage introspectif suite à de ses deuils répétés. Le spectateur aurait pu comprendre cela sans l’intervention de la narration, mais la voix off ne réduit pas l’impact émotionnel de l’histoire.

Katie Holmes en Helen Morrison (capture d’écran de CODA : la vie en musique)

Stewart saisit magnifiquement le chagrin d’Henry et l’acceptation de ce dernier dans l’acte finale. Le film passe de petites scènes intimes où le pianiste contemple sa vie à des scènes grandioses où il traverse de vastes paysages, le tout découpé de manière à ce que le spectateur se sente aussi perdu et sans but qu’Henry. Stewart parle à peine après la mort d’Helen, mais son langage corporel expressif lui vole la vedette. Les rares fois où il parle, il s’entretient avec Felix, le gardien de nuit (joué par Christoph Gauler), dans certaines des scènes les plus émouvantes du film. L’apaisement d’Henry est parfaitement rythmé – sa décision de poursuivre sa tournée de concerts est méritée et satisfaisante.

CODA est également à la hauteur de ses attentes musicales avec une partition magique pour piano solo interprétée par Serhiy Salov. Le film présente une collection profondément émouvante d’œuvres de Beethoven, Bach, Schumann, Rachmaninoff, Chopin, Liszt et Scarlatti, jouées avec l’intensité juste, ni trop sérieuse ni trop désinvolte, ce qui permet au piano de compléter magistralement le ton du film.

Les choix narratifs et artistiques de CODA : la vie en musique sont souvent contradictoires, mais le film vaut la peine d’être vu si vous aimez le piano classique ou Stewart.

6.5/10

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