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La vie d’un orchestre : de l’embryon à l’adulte
Composé d’une vingtaine de musiciens jouant sur des instruments du 18e siècle, comptant une trentaine de disques acclamés par la critique, orné de nombreux prix et tournées internationales, Arion Orchestre Baroque est un acteur majeur de la musique ancienne au Québec. Directeur artistique depuis 2019, le bassoniste Mathieu Lussier raconte l’évolution de l’ensemble fondé en 1981.
« Arion est né à une époque où de nombreux musiciens québécois allaient étudier la musique ancienne à La Haye, aux Pays-Bas, acquérir de l’expérience et des connaissances qui n’étaient pas accessibles au Québec, rappelle Lussier. Munis d’un savoir précieux, ils revenaient fonder leurs propres ensembles à Montréal pour diffuser la musique baroque. » Dans les années 1970 et 1980, les Pays-Bas étaient la « Mecque » de la musique ancienne comptant des pionniers comme Frans Brüggen, Nikolaus Harnoncourt, les frères Kuijken et Gustav Leonhardt.
Vers la même époque, la scène baroque à Montréal évoluait rapidement. C’est dans cet incubateur de la musique ancienne que Claire Guimond (flûte), Chantal Rémillard (violon), Betsy MacMillan (viole de gambe) et Hank Knox (clavecin) fondent l’Ensemble Arion. Pendant une quinzaine d’années, Arion se fait connaître à travers des tournées, des disques et des concerts, parfois en collaboration avec d’autres artistes. Possédant le soutien administratif et économique nécessaire, Arion décide de changer de nom pour devenir Arion Orchestre Baroque – un ensemble dirigé uniquement par des chefs invités.
L’entrée en jeu de Mathieu Lussier
Lussier se joint à Arion comme bassoniste vers la fin des années 1990 à une époque où Montréal est reconnu comme un noyau de la musique ancienne en Amérique du Nord, aux côtés de Toronto, San Francisco, Boston, et Cleveland. « Mon premier concert était avec Barthold Kuijken, un des trois frères qui avaient changé la scène musicale baroque », se rappelle-t-il.
« Dans les années où j’étais bassoniste, j’ai eu la chance que Claire remarque que j’avais beaucoup d’idées et d’énergie. Je l’ai assistée à la direction artistique pendant quelques années », dit Lussier. C’est aussi Claire Guimond qui lui a proposé de diriger un programme pour la première fois en janvier 2008 et qui lui a confié sa succession au Festival international de musique baroque de Lamèque au Nouveau-Brunswick.
Arion est alors un des seuls orchestres baroques à Montréal, se distinguant aussi par ses collaborations avec des solistes et des chefs venus de l’étranger. « Nous avions eu de grands noms d’Angleterre, des Pays-Bas et de France comme les chefs et violonistes Daniel Cuiller, Monica Huggett et Roy Goodman ou encore Jaap Ter Linden (violoncelle et viole de gambe). Cela a été comme un laboratoire pour nous », dit Lussier.
Une direction artistique aux couleurs françaises
Après quelques années d’absence de l’orchestre pendant lesquels il travaille avec Les Violons du Roy, l’Ensemble Pentaèdre et intègre la faculté de musique de l’Université de Montréal, Mathieu Lussier revient à Arion à titre de codirecteur artistique en 2019. Depuis, il s’est engagé à maintenir le modèle unique d’Arion – un orchestre qui accueille des chefs invités – tout en dirigeant entre un tiers et la moitié des concerts d’une saison.
Depuis son entrée en scène, Arion s’oriente vers le répertoire français de la fin du 18e et du début du 19e siècle. « J’ai un intérêt poussé pour le répertoire français autour de la Révolution française », explique Lussier. Il s’inspire notamment des activités que réalisait en France le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) pour revaloriser le patrimoine baroque français au sein de l’Orchestre Arion. « Je trouve que c’est une façon de distinguer Arion dans une écologie foisonnante, mais aussi de signaler qu’il se passe des choses passionnantes en France par rapport à un répertoire qui fait partie du patrimoine culturel du Québec francophone », ajoute-t-il.
Grâce à un partenariat important avec ATMA Musique, l’Orchestre Baroque Arion réalise de nombreux enregistrements, dont trois disques sortis en un an. En collaboration avec le CMBV, le premier disque paru en 2023 est intitulé Les soupers du Roy et comprend des œuvres de Rameau, Francoeur, Blamont, Destouches et Delalande. Une deuxième collaboration voit en 2024 la sortie d’un disque consacré à la musique de H.-J. Rigel, un compositeur allemand qui a fait carrière à Paris. Enfin, un troisième disque met en vedette la compositrice française Hélène de Montgéroult (1764-1836) sous les doigts de la pianiste québécoise Élisabeth Pion.
Une passion qui fait voyager
« Nos enregistrements nous permettent d’affirmer cet engagement envers le répertoire français et de le faire rayonner mondialement », affirme Lussier. Cette mission se poursuivra dans une tournée en Europe en décembre 2024 avec des concerts en France et en Suisse.
Mais jouer sur des instruments baroques entraîne des défis importants. « Si on s’investit à faire de la musique en jouant des instruments qui ont été longtemps perfectionnés et avec des partitions qui manquent parfois d’information relativement au jeu, c’est que, derrière tout ça, il y a des cœurs et des esprits dédiés qui vibrent pour ce répertoire », conclut-il.
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