Geneviève Soly: Rétrospective d’une carrière musicale hors norme

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Entourée de ses livres, de son clavecin et de ses meubles datant de la Nouvelle-France, Geneviève Soly, fondatrice des Idées heureuses et spécialiste de Christoph Graupner, raconte son parcours musical.

Les mains dans la terre, la musique dans l’âme

« Je viens d’une famille d’agriculteurs, dit-elle. Mes ancêtres avaient la musique dans l’âme et, comme beaucoup de familles de campagne au Québec, tout le monde chantait. » Avec sa sœur jumelle Isolde et son frère Éric, elle grandit dans une famille atypique des années 1950-1960. Leur père, Bernard Lagacé, enseigne l’orgue au Conservatoire de musique de Montréal (CMM) et leur mère, Mireille Béguin, le clavecin au New England Conservatory à Boston, puis au même établissement que son mari.

Menée par ses passions, la jeune Soly étudie les lettres au Cégep du Vieux Montréal, l’allemand à l’Institut Goethe et suit des cours d’orgue, de clavecin et de violon au CMM. Elle remporte un premier prix d’orgue en 1976, un prix de clavecin en 1977 et se perfectionne auprès d’Anton Heiler aux Pays-Bas. À 17 ans seulement, elle décroche le troisième prix au Concours international d’orgue d’Innsbruck.

Les années 1970 et le renouveau de la musique baroque au Québec

Soly se rappelle une période de grande liberté au Québec. « C’était l’époque des années 1970 : on était dans cet esprit de la Révolution tranquille où tout était possible. C’était une époque vraiment exaltante. » Elle chante au Studio de musique ancienne de Montréal (SMAM) et joue de la musique de chambre avec ses collègues du Conservatoire. Sa génération explore une approche au répertoire au-delà des lignes directrices du Con-servatoire de l’époque. « On était vraiment des dissidents, des hippies – on se fichait des normes. Notre vie, c’était de répéter, de découvrir et de chanter de la musique ancienne. »

Lauréate d’une bourse du Conseil des arts du Canada, elle s’installe à Paris en 1978 pour se perfectionner en musique an-cienne. Pendant deux ans et demi, elle parcourt le vieux continent où elle rencontre Luigi Ferdinando Tagliavini, son mentor. À son retour au Québec, elle constate la dure réalité d’une carrière de claveciniste soliste. Pendant deux ans, elle peine à joindre les deux bouts, mais trouve une stabilité avec un poste au Collège Marie de France et un engagement avec I Musici de Montréal. Vers la même époque, elle commence à bâtir sa propre réputation sous son nouveau nom : Geneviève Lagacé devient Geneviève Soly.

En 1987, Soly fonde les Idées heureuses avec la mission de faire découvrir le répertoire de la musique baroque selon les critères historiques d’interprétation, tout en assurant des conditions de travail convenables aux musiciennes et musiciens de l’ensemble. L’idée accroche : elle s’entoure de gens qui partagent sa vision et l’aident à obtenir des subventions.

Au cours des 36 ans au volant des Idées heureuses, Soly a présenté plus de 175 concerts à Montréal, de nombreuses tournées européennes et américaines, des concerts diffusés à la radio de part et d’autre de l’Atlantique et plusieurs disques primés à l’international. L’ensemble est reconnu également pour son apport au renouveau de la danse baroque au Québec, dont plusieurs tournées du spectacle Musiques et danses en Nouvelle-France, ainsi que pour sa collaboration avec la troupe française L’Éventail dans le cadre du Festival Montréal en Lumière en 2001.

À la découverte de Graupner

En 2000, une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec lui permet d’explorer des archives de clavecin à Yale. Elle y découvre un volume des Partitas pour clavier de Christoph Graupner (1683-1760), compositeur allemand tombé dans l’oubli. Soly consacre alors une grande partie de sa carrière à la réhabilitation de son œuvre.

Elle présente les œuvres de Graupner lors de concerts commentés à travers le Canada, les États-Unis, en Suisse et en France; de conférences, notamment à la Sorbonne en l’occasion du 250e anniversaire de la mort du compositeur et à la radio; elle produit une douzaine de disques consacrés aux œuvres de Graupner parus chez Analekta, dont sept au clavecin et quatre avec l’Ensemble; et travaille sur une édition des Partitas pour clavecin à paraître ultérieurement chez Breitkopf und Härtel. En 2010, elle signe le Livre d’or de la Ville de Montréal lors d’une cérémonie honorifique soulignant sa contribution exceptionnelle. Aujourd’hui, le nom de Soly est indissociable de celui de Graupner.

La Nouvelle-France et les femmes, bâtisseuses de la société

Pour Soly, les bâtisseuses de la société canadienne-française sont les femmes comme Marie de l’Incarnation, Catherine de Saint-Augustin, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys. « C’est incroyable ce que ces femmes ont fait. Je crois que sans Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys, on ne serait pas ici aujourd’hui », dit-elle.

Geneviève Soly a défendu les femmes notamment au sein des Idées heureuses. Ce n’est pas un hasard si Soly a laissé les rênes de l’ensemble à la claveciniste, comédienne et chanteuse Dorothéa Ventura, qu’elle a connue à travers sa carrière d’enseignement au Collège Marie de France. « Dorothéa a toujours été comme ma petite sœur », affirme Soly.

De nombreux élèves ont bénéficié de son soutien : Soly est une pédagogue dévouée. « Beaucoup de gens disent que je suis généreuse, mais donner ses connaissances, son temps, partager son amour pour quelque chose, ça rapporte encore plus que le fait de donner, dit Soly. Pour moi, c’est complètement naturel : ça va ensemble et ça nourrit beaucoup. »

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