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Ce printemps, les sonorités singulières et intrigantes des œuvres de compositeurs canadiens et internationaux résonneront dans les salles Koerner Hall et St-Trinity’s Centre à Toronto. Présenté par l’Esprit Orchestra, le seul orchestre professionnel canadien entièrement dédié à l’interprétation de la musique contemporaine, le festival judicieusement intitulé Edge of Your Seat rassemblera des créateurs émergents et établis en sept soirées, du 4 mars au 17 avril.
Incontestablement, l’un des moments forts de cette saison d’Esprit sera le concert prélude, conçu pour allécher le public avant le lancement du festival. La pièce d’ouverture sera Runner du célèbre minimaliste américain Steve Reich.
« Structurellement, Runner remonte à mes premières œuvres », explique Reich dans un entretien accordé à La Scena Musicale. Composée pour un ensemble de 19 musiciens répartis en deux groupes identiques (vents, vibraphone, piano et quatuor à cordes) et une contrebasse, Runner requiert des techniques caractéristiques des compositions de Reich. « Cette instrumentation permet la création de canons entrelacés, qui sont une pierre angulaire de ma musique depuis le début », précise-t-il.
Écrite en 2016 et créée à Londres avec une chorégraphie de Wayne McGregor et les danseurs du Royal Ballet, l’œuvre déborde de fraîcheur et d’optimisme. « Je me souviens de l’élan positif que j’ai ressenti en commençant la composition, se remémore Reich. J’ai improvisé sur un motif rapide en doubles croches; je voulais m’amuser et voir vers où cela m’emmènerait. »
Célébrant plus de quatre décennies de création musicale exceptionnelle, Nonesuch Records sortira un coffret complet des enregistrements de Reich le 14 mars 2025. « Je suis très satisfait du résultat qui permettra aux gens de retracer l’évolution de ma musique, d’It’s Gonna Rain (1965) jusqu’à Traveller’s Prayer (2021) », ajoute-t-il.
La soirée d’ouverture du festival, intitulée Chasing Vito, marquera la première nord-américaine d’Anemoi, une œuvre du compositeur slovène Vito Žuraj (prononcé « jouraille »). Cocommandée par l’Esprit Orchestra et la Philharmonique de Berlin, le titre fait référence aux huit divinités du vent de la mythologie grecque antique, chacune dotée de ses propres pouvoirs naturels. Écrivant pour orchestre symphonique et un large éventail de percussions telles que les crotales, un sifflet coulissant, une enclume ou une crécelle, Žuraj s’est judicieusement servi de l’orchestration et les textures pour représenter chaque divinité.
« Anemoi s’inspire du livre Heaven’s Breath de Lyall Watson. En m’y référant dans ma composition, j’ai souhaité définir huit matériaux musicaux différents et m’en servir pour organiser l’œuvre », explique-t-il.
Par exemple, Žuraj caractérise le vent du nord, Boréas, féroce et agressif, à l’aide de mélodies en intervalles microtonaux, inspirées d’anciens chants grecs joués par les hautbois et le cor anglais pour imiter l’aulos, un instrument polyphonique antique. D’autres, tels que Zéphyr, vent doux et fertile de l’ouest, sont représentés en adaptant des techniques anciennes de la lyre pour la harpe.
Esprit met également en lumière les talents nationaux, tels que les Canadiens Julia Mermelstein et James O’Callaghan. Tous deux ont déjà collaboré avec Esprit et leur chef, le maestro Alex Pauk, et apportent une sensibilité pour la musique électroacoustique à leurs compositions orchestrales.
La pièce de Mermelstein, Floral Reef, s’inspire d’artistes de musique électronique tels qu’Actress, Laurel Halo et Biosphere. « Je voulais m’approprier et filtrer leurs sonorités à travers mon propre langage pour orchestre, explique Mermelstein. Je tends vers l’écriture d’une musique qui évolue lentement dans le temps, permettant de s’immerger dans les sons. Cette œuvre est plus rapide, incorporant des influences électroniques tout en conservant ma voix. »
Dans ses œuvres électroniques, Mermelstein superpose les sonorités pour créer des textures riches, parfois jusqu’au bruit blanc. « Explorer ces idées avec des instruments acoustiques [permet de]trouver un mélange intéressant où les deux mondes se rencontrent », ajoute-t-elle. Collaborer avec l’Esprit Orchestra l’encourage à prendre des risques créatifs en explorant diverses techniques et types de sonorités.
James O’Callaghan, quant à lui, possède une sensibilité unique pour les mots et un goût pour le récit à travers les médias interdisciplinaires. « Dès mon plus jeune âge, j’étais un lecteur assidu et j’ai beaucoup écrit de poésie et d’histoires, confie-t-il. J’ai étudié le cinéma avant d’entrer en musique et une partie de moi voudrait revenir à la réalisation de films », ajoute-t-il en souriant.
Son expérience interdisciplinaire façonne sa manière de relier la musique à nos contextes personnels, culturels et environnementaux. « À l’origine, cette œuvre était conçue pour orchestre, sons de synthèse et vidéo », dit-il. Souhaitant respecter la contrainte d’écrire pour orchestre seul, O’Callaghan a cherché à « exploiter pleinement les capacités extraordinaires de l’orchestre sans ajouter les éléments interdisciplinaires présents normalement dans ma musique. Ce projet est un défi me permettant de me concentrer sur l’orchestration et l’écriture instrumentale », ajoute-t-il.
Intitulée Nothere, un jeu de mots, la pièce d’O’Callaghan s’appuie sur son expérience en électroacoustique pour créer une expérience d’écoute guidée, stimulant différents états d’écoute, confie-t-il. « Bien qu’il n’y ait pas d’électroacoustique dans Nothere, mon approche sonore reste la même. Je travaille avec l’anticipation et l’espace pour la réflexion – il y a de nombreux moments très lents, calmes, délicats [qui]se situent juste au-dessus du seuil de l’audible. »
La saison hivernale d’Esprit Orchestra s’ouvre avec Runner le 23 février au Koerner Hall de Toronto. www.espritorchestra.com
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