Critique CD | Duo Caron: Suites modernes pour quatre mains (Espace 21, 2023)

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Duo Caron: Suites modernes pour quatre mains
Duo Caron: Josée Caron et Carmen Picard, piano
Espace 21, 2023

À travers une complicité évidente, Suites modernes pour quatre mains révèle le jeu exceptionnel des deux pianistes dont les qualités individuelles s’alignent dans un jeu d’ensemble impeccable.

Cependant, la qualité du piano Steinway utilisé pour l’enregistrement n’est pas à la hauteur des pianistes. Le timbre grinçant et métallique dans les registres aigus de ce piano est le seul élément regrettable de l’album. Comment justifier le choix d’un tel instrument ? S’agit-il d’un défaut lors du mixage ? Il aurait peut-être valu mieux équilibrer les prises provenant des divers micros pour avoir plus de rondeur et de richesse dans le son.

Dans une transcription de Josée Caron du premier mouvement de la suite orchestrale de Gustav Holst Les Planètes op. 32, le jeu puissant des deux interprètes dépeint le caractère menaçant de Mars, Porteur de la Guerre. Cela dit, ce mouvement requiert les couleurs d’un orchestre et perd de l’ampleur au piano. La transcription de Jupiter, Porteur de Joie, se prête mieux aux sonorités pianistiques. Les passages techniques sont aisément maîtrisés par le duo.

La belle sonorité et le jeu d’ensemble impeccable sont évidents dans la Petite suite de Claude Debussy. Dans le premier mouvement, En bateau, l’attention du duo est portée sur le rythme et la gaieté plus que sur la tendresse ou les couleurs qui auraient pu être plus soulignées. L’agilité et la gaieté du jeu sont appropriées au deuxième mouvement, Cortège, où la fusion parfaite des interprètes donne un jeu assuré. Les deux derniers mouvements, Menuet–Moderato et Ballet–Allegro giusto, sont joués avec clarté, élégance, limpidité et enjouement rythmique, en dépit du timbre mince et atténué du piano.

L’excellente Suite, op. 4b, BB 122 de Béla Bartók démontre les qualités exceptionnelles du Duo Caron. Serenata : Comodo rappelle le Roméo et Juliette de Prokofiev : imagé, avec des accents de mélodies et danses slaves. L’inventivité mélodique est surprenante et le fini élégant, typiquement austro-hongrois, complémente les autres morceaux de l’album. Bon choix. L’Allegro diabolico est écrit dans le style « barbaro » de Bartók : musique inventive, intéressante, rendue par le jeu flexible, mesuré et expérimenté dans les passages de la fugue. Le caractère enjoué, fier et dansant des Balkans est transmis avec virtuosité.

Scena della Puszta : Andante présente un beau thème modal hanté, sombre, typique des mélodies lentes de Bartók. Magnifique développement dans une scène d’effervescence sonore, Bartók peint un tableau riche, parfumé, avec des arpèges parcourant l’étendue du piano. Jeu remarquable : on aurait deviné le jeu de Bartók lui-même, improvisant au piano. Concluant avec le mouvement Per finire : Comodo, le jeu du duo est puissant et d’une maturité expressive. Bon tempo, sonorité agréable et finition propre. Les gammes parallèles sont exécutées avec aplomb. Un très bel album.

Playlist

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