Critique de disque | Etienne Dupuis dans la Hérodiade de Massenet

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Massenet : Hérodiade

Nicole Car (Salomé), Etienne Dupuis (Hérode), Sua Jo, Clémentine Margaine (Hérodiade), Marko Mimica (Phanuel), Matthew Polenzani (Jean); Orchestre et chœur du Deutsche Oper de Berlin, Enrique Mazzola, chef

Naxos, 2024

En 1881, plus de vingt ans avant Richard Strauss, Jules Massenet écrit un opéra qui met en vedette l’héroïne biblique Salomé, mais l’œuvre porte plutôt le nom de sa mère, Hérodiade… À l’époque, Massenet est encore considéré comme un jeune compositeur, ayant obtenu un bon succès avec Le roi de Lahore (1877), mais la consécration viendra véritablement plus tard avec Manon (1884). 

Les commentateurs critiquent le livret d’Hérodiade, trop disparate et touffu, mélangeant plusieurs enjeux : un triangle amoureux, un drame familial, une intrigue politique et religieuse. Mais ce foisonnement n’a rien pour rebuter un spectateur du XXIe siècle habitué à suivre des histoires bien plus compliquées sur Netflix ! L’œuvre a pour nous quelque chose de très cinématographique, elle fait penser immanquablement aux grands péplums hollywoodiens des années 1950, comme Les dix commandements

La partition, très généreuse, demeure captivante de bout en bout, grâce à une musique imaginative et bigarrée, débordante de grands ensembles enlevants menés par des chœurs magnifiques, dans des climats très variés qui vont d’une « danse babylonienne » à une « marche sainte », en plus de solos aux mélodies capiteuses. Certains sont restés assez connus, comme Il est doux, il est bon que chantent encore parfois les sopranos ou Vision fugitive aux lignes flatteuses pour les barytons. 

L’orchestre, comme toujours chez Massenet, brille de mille feux et de mille couleurs, ce qui fait que l’oreille est constamment charmée, entre autres par des solos de saxophone très sensuels. Cet enregistrement en direct réalisé au Deutsche Opera Berlin en 2023 fait écho à une version concert donnée à Paris l’année précédente. Il bénéficie de la très forte présence d’Etienne Dupuis, à la voix puissante et surtout à la diction d’une clarté éblouissante, qui donne le juste poids à chaque syllabe. 

Sa femme dans l’opéra, la mezzo française Clémentine Margaine, égare parfois quelques consonnes dans le moelleux de son timbre, tandis que sa femme dans la vie, l’Australienne Nicole Car, chante un français tellement pur qu’on la croirait née en Île-de-France plutôt que dans la banlieue de Melbourne. Emporté par ses collègues, le ténor Américain Matthew Polenzani dans le rôle du prophète Jean nous gratifie aussi d’une diction très claire. Tous quatre interprètent leurs rôles avec une grande conviction. Une œuvre à découvrir, un compositeur à réévaluer, des interprètes à chérir ! 

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A propos de l'auteur

Passionné d’art lyrique depuis son adolescence, Pascal Blanchet est détenteur d'un doctorat en musicologie de l'Université de Montréal. Une version abrégée de sa thèse a été publiée en France chez Acte Sud (Hervé par lui-même. Écrits du père de l’opérette). Outre son activité de choriste professionnel, il est scénariste pour des émissions jeunesse à la télévision québécoise et pour des spectacles musicaux joués partout au Québec : Opéra-bonbon ou L’aventure gourmande d’Hansel et Gretel et Les origines du bing-bang avec Jeunesses musicales Canada, ainsi que Lionel et Mary avec les Productions Rigoletta.

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