Le Quatuor Molinari fête ses 20 ans

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Quel que soit le vocabulaire littéraire ou plasticien dans lequel une forme d’art voudra se définir, elle ne sera valable qu’en fonction de la structure spatiale qu’elle créera.

 Guido Molinari

C’est en ces termes que Guido Molinari, lors de l’expo 55 au Musée des beaux-arts de Montréal en 1955, revendiquait la primauté de l’effet rétinien en tant qu’expérience artistique. Au cours des cinq décennies suivantes, soit jusqu’à sa mort en 2004, le peintre montréalais n’a jamais cessé de s’affirmer comme l’une des figures de proue du mouvement d’avant-garde plasticien montréalais. Il y a vingt ans cet automne, lorsqu’Olga Ranzenhofer, membre fondatrice du Quatuor Molinari, a cherché un nom pour un futur ensemble musical, le nom du peintre s’est imposé de lui-même : « On cherchait un nom qui allait représenter notre vision, un nom fort qui allait représenter un ensemble d’ici, raconte-t-elle. On joue comme les toiles de Molinari ! Il y a cette même énergie, cette luminosité; il y a ce rythme, ce lyrisme. »

Durant de nombreuses années, Mme Ranzenhofer a eu la chance de côtoyer le célèbre peintre dans son atelier, affirmant l’avoir bien connu et eu la chance d’échanger avec lui à de nombreuses reprises. C’est d’ailleurs ce dernier qui avait confectionné le logo de l’ensemble à ses débuts, celui-ci symbolisant les quatre membres de l’ensemble rassemblés dans un seul tout. Il ne fait aujourd’hui aucun doute que le quatuor partage cette même énergie que l’on peut retrouver dans l’art pictural du peintre. « Pour nous, c’est notre image : la couleur, cette franchise, confie Mme Ranzenhofer. C’est ce que l’on veut quand on joue, et je crois que c’est une très belle image. » Le quatuor se consacre à la présentation d’œuvres contemporaines des XXe et XXIe siècles.

Un concert spécial pour les 20 ans de l’ensemble

Cette saison, l’ensemble soulignera en grand son vingtième anniversaire. Le 10 novembre prochain, ce sera l’occasion pour le quatuor de nous présenter Le Quatuor selon Molinari au Conservatoire de musique de Montréal, où seront réinterprétées certaines des œuvres charnières de l’histoire de l’ensemble, qui compte un répertoire de près de 250 œuvres de musique contemporaine. Au programme, on retrouvera le Quatuor n°2 de Schafer, le Quatuor n°2 d’Alfred Schnittke, Six moments musicaux (op. 44) de György Kurtág ainsi que le Quatuor n°2 de Chostakovitch. Lors de la soirée, une projection spéciale sera également présentée retraçant les moments phares de l’ensemble.

Également, le 20 avril prochain, le quatuor offrira, de concert avec l’Orchestre Métropolitain, l’événement Molinari et les tableaux d’une exposition où une œuvre du compositeur Samy Moussa sera créée.

Une mission ambitieuse

C’est peu dire, s’orienter dans la production d’œuvres musicales des XXe et XXIe siècles pose incontestablement un défi de taille quant à leur réception par les publics. Ces techniques d’écriture parfois audacieuses – autant dans l’harmonie ou les figures rythmiques que dans les mélodies – ainsi que des utilisations et effets parfois peu communs des instruments peuvent surprendre une oreille non avertie. À cela s’ajoutent les défis attachés au « nouveau ». Toute personne ayant programmé un concert le reconnaîtra : il restera toujours plus facile de programmer une œuvre bien connue, de Beethoven ou de Mozart par exemple, que celle d’un jeune compositeur encore inconnu. « Cela a toujours été un défi pour nous, confie Mme Ranzenhofer. Il faut que les gens s’habituent à de nouveaux noms. On tente de briser les tabous de la musique contemporaine. »

Afin de pallier le problème, l’ensemble organise les événements Dialogues sur le Plateau, offerts cette année à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal. Ceux-ci précèdent le concert. Comme le nom le suggère, ces ateliers de discussion permettent aux musiciens et au compositeur même des œuvres programmées (lorsque cela est possible) de parler des œuvres qui seront jouées, de les remettre dans leur contexte musical, historique et social. « C’est ouvert à tous, explique Mme Ranzenhofer. Autant pour les gens qui connaissent moins la musique, autant pour des gens bien initiés : des étudiants en composition par exemple. On peut parler d’harmonie, de technique, des glissandos, des couleurs spéciales qui sont utilisées. Cela donne des points de repère aux spectateurs. »

Tout compte fait, le quatuor a su ne pas céder à la facilité en écartant de sa programmation certaines œuvres dont la réception est plus ardue, tout en n’étant pas resté les bras croisés et plaider l’incompréhension du public. En offrant des clés d’écoute et des outils de compréhension, la formation devient à même de traduire dans sa plénitude les particularités et subtilités de la musique contemporaine. « On a déjà eu des discussions fantastiques, les gens venaient nous parler de Chostakovitch, et là on commence à parler du régime communiste soviétique, la censure marquant ce moment. On peut avoir des discussions très intéressantes », ajoute-t-elle.

Autre élément, une œuvre écrite pour le Molinari sera assurément rejouée. « Quand on commande des œuvres à des compositeurs, on s’engage à les rejouer. » En les rejouant – certaines jusqu’à 10, 40 et 50 fois –, celles-ci ne seront pas oubliées et feront tranquillement leur chemin dans l’histoire de la musique.

Un quatuor qui s’impose dans le paysage montréalais

Cela fait cette année 11 saisons que la formation évolue avec les mêmes musiciens. Il ne fait aucun doute, notamment à l’écoute du quatuor ou en les voyant sur scène, que l’énergie passe. « C’est notre 20e saison, et c’est déjà notre 11e saison avec les mêmes musiciens. Il y a une cohésion, on travaille bien, on a du plaisir ! Si les gens nous entendaient en répétition ! On s’amuse, on rit, l’atmosphère est très agréable. »

À court terme, l’objectif pour l’ensemble est d’élargir son public, notamment de rejoindre les jeunes, un groupe largement sous-représenté dans les concerts de musique classique en général. À cet effet, le quatuor, en collaboration avec Jeunesses Musicales Canada, offrira dès novembre prochain le concert Le grenier de Molinari, spectacle spécialement préparé pour ce public. De surcroît, le Molinari met actuellement sur pied le projet Le Labyrinthe de Schafer, où l’intégrale des quatuors de Schafer sera interprétée.

Tout comme dans les peintures de Guido Molinari, on retrouve chez le quatuor cette recherche de substance et d’essence : ces vives couleurs et cette énergie sont rapidement perçues par l’auditeur. Il y a là une recherche de communiquer à tous – de manière universelle – cette richesse sonore et spatiale composant la musique des XXe et XXIe siècles.

Le Quatuor selon Molinari : Concert 20e anniversaire, vendredi 10 novembre à 19 h 30, Conservatoire de musique de Montréal.
www.conservatoire.gouv.qc.ca
www.quatuormolinari.qc.ca

 

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