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Contrairement aux autorités de Pékin qui l’ont fait arrêter sous de fausses accusations d’immoralité, je n’ai jamais faibli dans ma conviction que Yundi Li est le pianiste le plus intéressant et le plus original à émerger de Chine.
Lauréat du concours Chopin de Varsovie en 2000 à l’âge de 18 ans, Yundi a traversé une phase monomaniaque au cours de laquelle il n’a joué que du Beethoven, la plupart du temps devant des publics d’adolescents excités. Il est ensuite passé à une période bleue de Liszt, puis à Chopin et enfin à Prokofiev.
Aujourd’hui de retour en scène, il ne joue que du Mozart, un compositeur généralement associé à la légèreté et à l’esprit. Dans les mains de Yundi, le style et la substance sont mis au défi. Il joue trois sonates rapidement et librement, titillant à peine l’oreille avec des imitations turques et des andantes doux. La manière est proche de Haydn, ou même de Clementi, présentant Mozart comme l’un des nombreux récitalistes de la Vienne de la fin du 18e siècle. Mozart seul au clavier n’avait rien d’exceptionnel.
Jusqu’à ce que l’on arrive à la Fantaisie no 4, K. 475, où Yundi joue Mozart tel que Beethoven aurait pu l’entendre – réfléchi, lourd, tentant des sons qui auraient été fâcheusement inaccessibles sur les claviers de l’époque. Yundi transporte Mozart des mesures rigides d’une partition imprimée vers les royaumes imaginaires de la Clair de lune de Beethoven et au-delà – jusqu’au seuil même de la « Hammerklavier ». En douze minutes et demie, Yundi offre à Mozart une métamorphose totale. C’est le pianiste mozartien le plus rafraîchissant et le plus novateur que j’aie entendu depuis des années.
Traduction par Andréanne Venne
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