L’Hebdo Lebrecht | Poulenc et d’autres : La musique de chambre (Calliope/DG)

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Je ne peux pas écouter Francis Poulenc bien longtemps sans m’imaginer une Gitane entre les lèvres, la fumée filtrant des commissures. Sur la pochette de l’album intitulé Les chemins de l’amour, une photo de lui montre un homme riant aux éclats, satisfait de ce qu’il a.

La musique interprétée ici date des années 1940, ce qui n’est pas la décennie la plus heureuse, mais Poulenc avait l’art de défier l’actualité. Catholique fervent et homosexuel impénitent, il a écrit trois opéras et un ballet, mais peu de choses à grande échelle − pas de symphonie ni de concerto, à moins qu’on ne compte un truc glauque pour orgue, timbales et cordes datant de 1939.

Ici, il engage une conversation confidentielle entre un violon et un piano, un piano et un violoncelle, et ce que l’on appelle un « pipeau », qui évoque un laboratoire médical. Poulenc ne nourrit nulle part de sombres pensées. Les musiciens − la violoniste Tatiana Samuil, le violoncelliste Justus Grimm et le pianiste David Lively − restent légers et nostalgiques. La pièce-titre Chemins de l’Amour est un air de Poulenc écrit pour un concert d’Yvonne Printemps en décembre. Qui pourrait savoir Paris était sous occupation allemande ? Poulenc gardait sa fenêtre fermée.

Le pianiste chinois Lang Lang, dans sa dernière parution, jumelle un enregistrement de concert banal du deuxième concerto de Saint-Saëns avec un méli-mélo de divers compositeurs français, dans lequel Poulenc brille par son absence. Lang Lang parle peu français et cela se voit.

Sa lecture de la Pavane de Ravel présente un toucher uniforme qui exclut toute subtilité émotionnelle. Il en résulte de grands gestes et peu de fantaisie. Une suite de Debussy, jouée avec sa femme Gina Alice, est plus forte, mais n’évoque pas mieux les sentiments profonds. À partir de là, c’est la dégringolade, avec Fauré, Delibes, Louise Farrenc, Lily Boulanger, Tailleferre et plus encore (ou encore moins).

Lang Lang se trouve actuellement dans ce champ de mines moral que l’on appelle le milieu de carrière. Il sait comment il s’est retrouvé là, mais n’a aucune idée de la direction à prendre. Cet album représente un défaut de boussole à l’échelle industrielle. Qu’importe : vous allez entendre ces airs dans les ascenseurs d’hôtels pour le reste de votre vie. Lang Lang est la nouvelle muzak.

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A propos de l'auteur

Norman Lebrecht is a prolific writer on music and cultural affairs. His blog, Slipped Disc, is one of the most popular sites for cultural news. He presents The Lebrecht Interview on BBC Radio 3 and is a contributor to several publications, including the Wall Street Journal and The Standpoint. Visit every Friday for his weekly CD review // Norman Lebrecht est un rédacteur prolifique couvrant les événements musicaux et Slipped Disc, est un des plus populaires sites de nouvelles culturelles. Il anime The Lebrecht Interview sur la BBC Radio 3 et collabore à plusieurs publications, dont The Wall Street Journal et The Standpoint. Vous pouvez lire ses critiques de disques chaque vendredi.

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