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En 1925, à l’âge de 60 ans, le compositeur national du Danemark a sombré dans la dépression. « Si je pouvais revivre ma vie, a dit Carl Nielsen, je suivrais une formation en commerce ou ferais un autre travail utile qui aboutirait à un résultat tangible. Le sort de l’artiste créateur n’est pas heureux. »
Nielsen travaillait alors à sa sixième symphonie, la « Symphonie simple », bien qu’elle n’ait rien de simple. Son mariage s’était décomposé et il ne se sentait pas apprécié. Sa cinquième symphonie, en deux mouvements, était empreinte d’une rage impuissante. La sixième est réduite à des déclarations semi-décousues, énigmatiques et toujours troublantes. Nielsen a plongé au plus profond de lui-même tout en n’offrant que des récompenses limitées à ses auditeurs. La fin de la sixième est une mauvaise blague sans mordant. Nielsen est peut-être le plus insaisissable des grands compositeurs.
Tous les dix ans environ, un chef d’orchestre tente de donner un sens à ces six symphonies. Leonard Bernstein a ouvert le bal dans le New York des années 1960, suivi par Herbert Blomstedt à San Francisco, Neeme Järvi à Göteborg, Paavo Järvi à Francfort, Alan Gilbert à New York et deux ou trois autres. Aucun n’a été convaincant d’un bout à l’autre. Soit ils idéalisent les premières œuvres, comme l’a fait Bernstein, soit (tous sauf Neeme) ils minimisent les terribles confusions des derniers chefs-d’œuvre.
L’Italien Fabio Luisi a deux avantages sur ses prédécesseurs. Il est le chef principal de l’Orchestre symphonique national du Danemark, qui maîtrise Nielsen comme sa langue maternelle, et il apporte les compétences d’un interprète d’opéra, équilibrant les flambées de passion avec la structure générale. L’interprétation par Luisi de la troisième symphonie, « Sinfonia Espansiva », est un chef-d’œuvre de gestion des fluctuations d’humeur dans un cadre cohérent.
La suivante, l’« Inextinguible », prend des allures téméraires dans une voiture décapotée avant de plonger du haut d’une falaise dans un Adagio d’une noirceur sans pareille. Écrite pendant la Première Guerre mondiale, elle est probablement la plus jouée des symphonies de Nielsen. Cette interprétation, intense et experte, brillamment projetée sur Apple Classical, est la meilleure que j’aie entendue, l’« Espansiva » n’étant pas loin derrière. Je suis sorti tremblant de la cinquième symphonie, tant l’intensité du jeu danois et l’absence totale d’optimisme étaient redoutables. Si vous avez le moindre doute sur le génie de Carl Nielsen, commencez par le mouvement lent de la quatrième symphonie et allez plus loin. Ce projet est une véritable rareté discographique en ce 21e siècle, un ensemble qui fera date et qui résistera à l’épreuve du temps.
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