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Klaus Tennstedt a fui l’Allemagne de l’Est au milieu de la quarantaine, en 1971, et a traîné pendant une demi-décennie avant que l’on remarque qu’il était un chef d’orchestre vraiment remarquable − « le dernier des vieux maîtres de chapelle », comme l’a dit sèchement Herbert von Karajan. Après un concert décisif à Toronto, il a été invité par les cinq grands orchestres américains tout en occupant un poste misérable à l’orchestre de la NDR de Hambourg. L’apothéose est arrivée en 1978 à l’Orchestre philharmonique de Londres, avec lequel Tennstedt a réalisé ses enregistrements inscrits dans la postérité. Les extraordinaires trouvailles sur ces quatre disques sont antérieures à cette décennie en latence et semblent provenir hors d’antenne, avec tous les défauts inhérents à de telles récupérations.
Les meilleurs morceaux sont, de loin, ceux de Beethoven. Un triple concerto donné à Tanglewood en juillet 1977 n’est pas seulement électrisant, mais, à mes oreilles, l’interprétation la plus convaincante que j’aie jamais entendue de cette œuvre inégale et expérimentale. Une grande part du mérite revient aux solistes Joseph Silverstein (violon), Jules Eskin (violoncelle) et Peter Serkin (piano); le son de l’Orchestre symphonique de Boston est céleste. Mais c’est le phrasé de Tennstedt dans les caprices et manies de Beethoven qui rend cette lecture irrésistible. Il y a entre le chef d’orchestre et le compositeur une empathie troublante qu’on ne peut nier.
La Symphonie no 7 de Beethoven avec Boston, qui danse comme des lucioles lors d’un mariage à la campagne, n’est pas moins captivante. C’est pour le moins glorieux. Quant à la Symphonie no 5 avec Chicago, elle se distingue moins par sa férocité innée que par la douceur que Tennstedt tire entre les lignes de l’orchestre survolté de Georg Solti.
La Symphonie rhénane de Schumann avec l’Orchestre philharmonique de New York montre un Tennstedt en pleine effervescence. On comprend ce que voulait dire Karajan : c’est ainsi que les musiciens d’avant-guerre ont appréhendé le paysage allemand à travers la musique de l’un des leurs.
J’ai été moins convaincu par la première symphonie de Mahler avec la NDR. Tennstedt est encore hésitant dans Mahler, il n’est pas prêt à soutenir ses intuitions jusqu’au bout, et l’interprétation est assez linéaire. L’ouverture manque de mystère et la marche funèbre est trop littérale. Malgré cela, il y a des moments où l’on s’étonne de l’intuition du chef d’orchestre.
Les autres morceaux sont quatre œuvres de Haydn, ce qui n’est pas le point fort de Klaus Tennstedt. Il a cessé de diriger à cause d’un cancer en 1994 et nous ne l’avons plus jamais revu. Hormis la qualité du son radio, ces concerts sont à recommander d’urgence.
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