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Quartz Music4
Le compositeur américain, qui a vécu en Italie jusqu’à sa mort l’année dernière, a été poussé par le renversement du président chilien Salvador Allende en 1973 à composer 36 variations sur la mélodie de campagne populiste du régime déchu, El pueblo unido jamas sera vencido.
Malgré sa durée de près d’une heure et ses épisodes de fureur atonale, cette œuvre a été rapidement et fréquemment enregistrée, d’abord en 1976 par sa dédicataire Ursula Oppens, puis par le pianiste allemand Igor Levit. Au total, il existe une douzaine d’enregistrements. Aucun n’a retenu mon attention de manière aussi convaincante que cette nouvelle parution, réalisée par le lauréat du concours Van Cliburn 2013, le pianiste ukrainien Vadym Kholodenko.
La partition de Rzewski élargit la méthode classique des thèmes et des variations en intercalant deux thèmes supplémentaires, politiquement liés − la Bandera Rossa italienne et le Chant de solidarité de Hanns Eisler. Chacun d’entre eux agit comme une rupture du thème original, figurant comme les variations 13 et 26 et remettant en question la texture existante tout en la faisant progresser. La musique passe d’une délicatesse presque schubertienne à des dissonances weberniennes qui feraient réfléchir un chat domestique à moitié mort. La variation 15 rappelle l’atmosphère de la berceuse d’Arlo Guthrie. La variation 18 est un pur cabaret.
Kholodenko est le premier pianiste que j’aie entendu qui conçoit cet ensemble de Rzewski comme une unité, l’interprétant comme une descendante directe des Variations Diabelli de Beethoven, avec une passion et une rage en plus. Bien qu’il ait réalisé cet enregistrement il y a un an à Saint-Pétersbourg, on ne peut s’empêcher d’entendre des signes prémonitoires de la folie actuelle entre la Russie et l’Ukraine. Âgé de 36 ans, Kholodenko a connu plus de triomphes et de tragédies personnelles au cours de la dernière décennie que la plupart d’entre nous n’en connaissent au cours d’une vie. Son jeu ne fait pas dans la dentelle.
Les Variations de Rzewski sont précédées des Variations en la majeur de Beethoven sur un thème russe, écrites pour la femme du chef des renseignements du tsar à Vienne. Dire qu’il n’est pas à la hauteur d’Ashkenazy et de Brendel ne revient pas à diminuer Kholodenko. Au contraire, cela le place dans le plus haut calibre des pianistes classiques et lui éclaire le chemin. Vous n’avez jamais entendu parler de lui ? Il suffit d’écouter ce Rzewski.
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