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Chandos4
J’avais prévu de critiquer quelque chose de tout à fait différent cette semaine, mais la mort de la Reine m’a poussé à me tourner vers Schubert, qui en savait autant que n’importe quel autre compositeur sur les émotions liées à la fin de vie. Le quintette en do majeur − un quatuor de Haydn avec un violoncelle supplémentaire − est la dernière œuvre de musique de chambre de Schubert, écrite l’année de sa mort, en 1828, et soumise à un éditeur quelques semaines peu avant. L’éditeur a envoyé une note de refus, demandant plus de musique pour piano. Un quart de siècle s’écoula avant que cette étonnante création n’apparaisse enfin sous une forme jouable.
Bien qu’elle arrive à la fin de la vie de Schubert, l’œuvre n’a rien de morbide, à moins que vous ne lisiez les grondements d’un violoncelle supplémentaire comme une incursion orphéenne dans un monde souterrain inconnu. Le quintette débute par un allegro et se termine par un allegretto, tous deux des invitations à la danse. Le finale s’enroule autour d’un thème tiré du quintette La Truite de Schubert, aussi enjoué que n’importe quel air qu’il a écrit. Schubert, nous devons le supposer, n’avait aucune idée de sa mort ou du peu de temps qu’il lui restait. Pourtant, entre les vagues ondulantes de l’invention, nous entendons une intimation de la fragilité et de la futilité de la vie. C’est Schubert qui donne le meilleur de lui-même, sachant que cela ne verra peut-être jamais la lumière du jour.
Le Quatuor Brodsky, de Grande-Bretagne et qui en est à sa 50e saison, est rejoint par Laura van der Heijden, une jeune violoncelliste britannique qui n’en est qu’à son deuxième disque. Je me fais peut-être des idées, mais l’écart d’âge entre les deux générations ajoute de la prudence à l’interprétation, comme si les deux parties tenaient à s’assurer de voir le monde de la même façon. Quoi qu’il en soit, cette réserve est bienvenue. L’agressivité fanfaronne qui grugeait les allegros des enregistrements de Rostropovitch, aussi passionnante fût-elle, est remplacée ici par une considération mutuelle à la fois émouvante et élevée. C’est une de ces lectures que l’on aime de plus en plus au fur et à mesure qu’elle se déroule. À la fin, j’étais perdu dans la contemplation des cadeaux de la vie et de sa brièveté.
Le Quartettsatz de 1820 est un batifolage impatient de moins de dix minutes. Le fait que Schubert ne l’ait jamais prolongé demeure un mystère aussi énigmatique que la Symphonie inachevée. Peut-être a-t-il oublié, s’est-il ennuyé ou a-t-il trouvé quelque chose de mieux à faire. Peu importe : le morceau est parfait et cette interprétation est impeccable.
NL
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