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DG4
Chaque époque a son violoniste emblématique. Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, ce fut le sympathique Joseph Joachim, pendant le premier tiers du XXe siècle, l’espiègle Fritz Kreisler. Puis vinrent Heifetz, Menuhin, Perlman, brièvement Vengerov et Anne-Sophie Mutter. S’il y a une violoniste qui définit le siècle actuel, je pense que c’est Hilary Hahn.
Américaine depuis le berceau, formée dès l’âge de dix ans à l’Institut Curtis, elle n’a fait pratiquement aucun faux pas durant son parcours, limitant ses engagements de concerts et prenant le temps de mettre au monde deux filles. À 43 ans, elle dépasse d’une tête et d’une épaulette le concurrent le plus proche − et rares sont ceux qui dépassent le rôle de gardien de foyer des artistes. Elle oscille entre les classiques légers − le concerto de Korngold − et le sérieux mortel.
Son dernier projet porte sur les six sonates pour violon solo du virtuose belge Ysaÿe, un ensemble d’exercices aussi éprouvants techniquement qu’intellectuellement. Une œuvre solo pour violon est un verre d’eau pure. Seuls les plus accomplis peuvent y instiller de la couleur et de la saveur. Ysaÿe a laissé quelques indices en investissant les sonates des personnages de six contemporains, dont Kreisler et le Français Thibaud. Mais qui, à part les amateurs de violon, reconnaîtrait leur style de nos jours, et en quoi cela importe-t-il ?
Hahn traite l’ensemble comme un scénario de film. Le premier est une conversation entre Bach et Stravinski, le deuxième une méditation sur le Dies iræ, le troisième un voyage dans les Balkans et ainsi de suite. Le jeu n’est jamais moins que magistral et la narration est tout simplement captivante. Voilà ce que signifie être une violoniste d’époque : la capacité de faire sonner toutes les musiques de manière immortelle.
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