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Deutsche Grammophon3
Le contenu de ce premier album DG du lauréat du Concours Chopin 2021 est d’une originalité saisissante. Il regroupe trois compositeurs français des trois derniers siècles − le compositeur d’opéras de cour Jean-Philippe Rameau (1683-1764), le misanthrope juif Charles-Valentin Alkan (1813-88) et le célibataire basque Maurice Ravel (1875-1937) − qui n’ont jamais, à ma connaissance, été réunis dans un même programme.
Malgré la langue maternelle commune, les trois maîtres parlent des langues musicales différentes. Rameau écrit pour le clavecin avec un enjouement baroque. Alkan s’efforce d’être plus injouable que Liszt. Ravel habite une solitude océanique, quelque part entre l’impressionnisme et le modernisme. La combinaison semble, en théorie, follement excitante.
En pratique, moins. Rameau sur un piano à queue de concert moderne (Fazioli ?) n’est pas le vrai Rameau, mais un hybride Clavecin-sinistre, redessiné pour les scènes de cinéma. Sa célèbre Gavotte perd son charme courtois et Les Sauvages est loin de sa première nation.
Les deux morceaux d’Alkan sont la Barcarolle et le Festin d’Ésope, relativement peu exigeants, et tous deux conçus pour sonner plus chopinesques que véhéments. Il n’y a que dans les Miroirs de Ravel que l’idiome est parfait, mais ici, Liu, qui est né à Pékin et a grandi au Canada, affronte des géants du disque − Ashkenazy, Richter, Gieseking, Cécile Ousset, Samson François, Thibaudet, Pierre-Laurent Aimard −, une concurrence déloyale pour un débutant.
S’il existait un prix pour la table des matières, cette parution l’emporterait haut la main. Ce n’est que dans le fabuleux Festin d’Alkan que l’on peut entrevoir la direction que pourrait prendre Bruce Liu.
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