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Orfeo4
On oublie souvent, parmi les grandes œuvres de Benjamin Britten, ses concertos. Ils datent de ses vingt ans et trahissent les traces viennoises − en particulier la tonalité limite, la surcharge émotionnelle d’Alban Berg et les grandes déclarations de Gustav Mahler. Il y a deux concertos pour piano, un pour la main gauche, un pour le violon et un double concerto achevé à titre posthume. Les orchestres londoniens passent des années sans les mettre au programme, ce qui est symptomatique d’une profonde frilosité anglaise.
Le concerto pour violon date de 1938-1939 et a été créé par le soliste espagnol Antonio Brosa après le désistement de Jascha Heifetz. L’orchestre était le New York Philharmonic, dirigé par John Barbirolli. Le concerto porte le fardeau du monde de 1940 sur des épaules trop étroites. Un premier cliquetis de timbales laisse entrevoir un monde à la veille de la destruction, une angoisse qui s’accentue dans le deuxième mouvement qui fait pratiquement couler le sang des cuticules du soliste.
On retient le gros morceau pour le finale, où la tragédie mahlérienne prend le dessus, ainsi que les échos de Peter Grimes, l’opéra de Britten qui a marqué les esprits. Le concerto n’a pas connu un succès immédiat et a été révisé trois fois par Britten − 1950, 1954 et 1965 − avant qu’il soit finalement satisfait. Il confia à l’un de ses amis qu’il avait visé trop haut. Cependant, ce concerto a bien vieilli − mieux, à mon avis, que celui de William Walton − et la violoniste lettonne Baiba Skride lui confère une profondeur de sentiment et une largeur de champ. Ce concerto serait très apprécié aux BBC Proms.
Le double concerto pour violon et alto de Britten (1932) a été exhumé et complété en 1997 par le compositeur Colin Matthews. Il s’agit d’une œuvre tout à fait engageante, assemblée avec compétence, même si elle manque un peu de vision. L’impeccable altiste Ivan Vukcevic rejoint Skride avec l’orchestre de la Radio de Vienne, sous la direction de Marin Alsop. Le ton viennois est évident, voire exagéré. À première vue, on ne penserait pas qu’il s’agit de l’œuvre d’un compositeur anglais. Mais lorsque le mouvement rhapsodique est envahi par la mélancolie, on entend les murmures sur la mer cruelle charriant ses nombreux deuils.
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