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BR Klassik5
Au risque de provoquer une exaspération prématurée, je m’apprête à commencer l’année du bicentenaire Bruckner avec quelques jours d’avance. Le Néerlandais Bernard Haitink était un brucknérien naturel, plus qu’un mahlérien. Il avait une compréhension innée de la structure et savait comment retenir la passion et quand la laisser s’exprimer. Tandis que Karajan, Wand et Giulini volaient la vedette à Bruckner dans les magasins de disques, Haitink s’en tenait à ses méthodes méticuleuses avec les symphonies, posant des jalons pour une plus longue postérité.
En tant que chef principal du Concertgebouw, du London Philharmonic, de Covent Garden et de Chicago, Haitink prenait le temps de faire des voyages saisonniers à Munich pour travailler avec le meilleur orchestre de radiodiffusion du monde, le BRSO. Leur sonorité dans Bruckner est exemplaire, les cuivres féroces et sans contrainte, les cordes graves savourant le cadeau d’un très grand air. La première page de la septième symphonie pourrait bien être l’ouverture la plus impressionnante que Bruckner ait jamais écrite. L’œuvre a certainement été le plus grand succès de sa vie : elle est arrivée peu après ses 60 ans et a été élevée par le chef d’orchestre de Leipzig, Arthur Nikisch, au rang d’œuvre merveilleuse.
À première vue, il n’y a pas de progrès imaginatif par rapport aux déceptions précédentes. Les quatre mouvements ont l’air classiques et sonnent romantiques, mais ils sont empreints d’une autorité qui n’existait pas jusqu’à présent. Richard Wagner était mort depuis que Bruckner avait achevé sa dernière partition et il n’est pas exagéré de suggérer que le disciple endeuillé a pris la place laissée vacante d’un pas plus large et plus assuré.
Dans une œuvre d’une heure, les deux premiers mouvements, qui occupent quarante minutes, peuvent paraître trop lourds. Haitink évite l’écueil d’un rythme soutenu, atténué par la légèreté et les traits d’esprit. C’est l’interprétation la moins germanique que l’on puisse trouver, aux antipodes des naïvetés folkloriques d’Eugen Jochum, Gunter Wand et Karl Böhm. C’est une lecture qui s’enrichit au fur et à mesure, rivalisant avec Karajan pour l’explosivité et avec Giulini pour le doux lyrisme. Vous ne trouverez pas de meilleur point d’entrée pour Bruckner que cette exploration délicatement civilisée, jamais grandiloquente, d’un jalon essentiel de la musique allemande.
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