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Alpha Classics5
Préparez-vous à verser une larme. Après 47 ans en première ligne des quatuors à cordes, les Emerson se séparent cet été pour consacrer le reste de leur vie à leur autre passion : le développement de nouveaux quatuors. Leurs deux violonistes − Eugene Drucker et Philip Setzer − sont là depuis la création du quatuor, l’année du bicentenaire de l’Amérique ; l’altiste Lawrence Dutton les a rejoints en 1977. Seul le siège du violoncelle a connu des changements. Peu de groupes, du Buena Vista Social Club aux Rolling Stones, ont réussi à maintenir une telle constance et un tel niveau d’interprétation pendant autant d’années.
L’année de fondation est, dans une certaine mesure, significative. Il s’agissait d’un groupe américain formé à Juilliard, jouant avec une grande précision et un esprit d’initiative qui rendait l’impossible facile. Nommés d’après un poète américain, les Emerson ont évité les pressions de la mode, de la politique et de l’équité, se contentant d’un éventail de traditions à la fois vaste et éternel. Leurs enregistrements vont de Bach à Britten, de Haydn à Harbison. Ils ont redéfini le centre de la scène. Nous ne reverrons plus jamais de tels musiciens sur disque.
Ce dernier album est atypique d’Emerson en ce qu’il est complété par une personne extérieure. La soprano aventureuse Barbara Hannigan les rejoint pour une obscure Mélancolie de Paul Hindemith et une Chanson perpétuelle sucrée d’Ernst Chausson, l’une se balançant au-dessus d’une falaise d’atonalité, l’autre généreusement décadente. Toutes deux sont susceptibles de faire partie de mes écoutes régulières.
Le cœur de l’album est le quatuor à cordes opus 3 d’Alban Berg, dans lequel l’élève d’Arnold Schoenberg fait de son mieux pour nier le principe de plaisir, et échoue. Berg ne peut composer que du beau.
Hannigan revient pour l’œuvre casse-cou de Schoenberg, le deuxième quatuor à cordes dans lequel le compositeur libère la soprano soliste pour la laisser parcourir plusieurs pages sans tonalité. Tous les historiens de la musique du 20e siècle connaissent cette œuvre sur le bout des doigts, et nombreux sont ceux qui restent perplexes quant aux motivations du compositeur. Je ne pense pas avoir jamais entendu le deuxième quatuor présenté de manière plus positive, illustrant la conviction de Schoenberg en un monde de tonalités inexplorées, ne nécessitant que des musiciens à l’esprit ouvert, à la technique au laser et à la flexibilité infinie pour le mettre en lumière. Ce groupe va vraiment nous manquer.
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