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(Naxos)4
Quand j’entends la musique du jeune Dimitri Chostakovitch, je suis toujours stupéfait de son humour cru et subversif. Son talent éclatant se trémoussait dans la première décennie d’une révolution où tout semblait possible et à portée de tous : abondance de travail, repas gratuits, amour libre. Personne ne prévoyait que Staline allait anéantir l’étincelle et l’esprit culturels de cette révolution.
Les deux premières mondiales sur cet album sont éloquentes. La Punaise est une comédie écrite par le poète Vladimir Maïakovski, pour lequel Chostakovitch composait des musiques d’accompagnement en 1928-29 à la demande du directeur de théâtre Vsevolod Meyerhold, que le jeune compositeur révérait. Au lieu d’être retenu par ces deux fortes personnalités, Chostakovitch, alors âgé de 23 ans, s’éclate avec irrévérence et inventivité : on retrouve du Hindemith en chandail déchiré, du Kurt Weill sur la cocaïne, une bonne pincée d’Ernst Krenek, le tout mélangé grossièrement dans un bortsch absolument russe et carrément insolent.
On devrait payer les trombones pour leurs heures supplémentaires et un des instruments sonne étrangement comme un thérémine. On pourrait difficilement faire plus avant-gardiste et plus cosmopolite pour la fin des années 1920. La voix du compositeur ne se perd toutefois jamais dans le fatras de ses influences. L’excellent orchestre est la Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz et le chœur russe est de Mannheim.
La pièce d’accompagnement est la musique du film soviétique de 1935 Amour et haine. Rapiécée à partir de fragments par le chef Mark Fitz-Gerald, la partition est celle d’une Punaise semi-domestiquée regardant autour d’elle à la recherche d’approbation. L’année d’après, la main de fer de Staline s’abattait sur Chostakovitch. Le reste fait partie de l’histoire. Ceci en est un épisode crucial.
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Traduit par Andréanne Venne
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