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Deutsche Grammophon4
Parfois, les meilleurs disques se font sans attentes particulières. Pour son départ de l’étiquette Sony Classical, il était prévu que Murray Perahia enregistre les cinq concertos pour le 250e de Beethoven à Berlin, où il avait des concerts planifiés avec l’Academy of St Martin in the Fields. Mais Perahia a subi une blessure récurrente à la main et a dû être remplacé par le Canadien Jan Lisiecki. L’équipe de Deutsche Grammophon s’était déjà engagée pour l’enregistrement, elle a donc pris les devants. Et savez-vous quoi ? Le résultat est meilleur que prévu.
Bien meilleur.
Lisiecki, 24 ans, erre un peu depuis son émergence à la fin de la décennie avec une technique et une sensibilité rarement vues chez un joueur aussi jeune et un attendrissant refus de jouter dans les arènes de gladiateurs des nouveaux pianistes à Varsovie et à Moscou. Peut-être attendait-il seulement son heure. Si c’est le cas, elle a sonné.
Ses interprétations des deux premiers concertos ont le mérite d’afficher une absence totale d’intentions. Lisiecki n’essaie pas de montrer que ces oeuvres proviennent d’un Beethoven à peu près du même âge que lui, qui s’arrachait du style de Haydn et de Mozart pour marquer Vienne de son poing. Au contraire, sa lecture laisse libre cours au lyrisme et tient l’oreille rivée à la ligne mélodique.
Le jeu atteint les grandeurs dans le Concerto en do mineur qui, avec une approche audacieusement sobre, fait se déployer la musique couche par couche, emportant l’auditeur dans sa quête. Lisiecki, en tant que pianiste et chef, est un guide de confiance dans le labyrinthe luxuriant de l’esprit à peine pénétrable de Beethoven.
Le Concerto en sol majeur n’est pas moins impressionnant. Son ouverture feutrée est parfaitement calibrée et rien dans la partition n’est excessif. Je ne suis pas sûr de pouvoir compter le Concerto no 5 parmi mes favoris de tous les temps, ne serait-ce que parce que le jeu de l’Académie ne se mesure pas à l’aisance calculée des orchestres de niveau supérieur de Vienne et de Berlin. Cela dit, je soupçonne que je pourrais finir par être conquis. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une magnifique réalisation par un jeune artiste canadien dont le manque d’empressement est énormément rafraîchissant en ces temps d’égos disproportionnés. Je ferais plusieurs détours pour entendre Lisiecki de nouveau, et je le dis en sachant que j’attends au moins trois autres séries de concertos pour piano tout juste envoyées par la poste.
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Andréanne Venne
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