Faste période pour les passionnés de théâtre : l’ensemble des productions est enfin révélé et il ne reste qu’à choisir soigneusement les spectacles qui composeront votre saison. Le parcours de tel comédien, la démarche de cette metteure en scène ou la thématique développée vous interpellent ? Cédez à la curiosité : l’offre théâtrale montréalaise en vaut la peine. Pour vous convaincre, voici les incontournables de cet automne.
Septembre
Qui sommes-nous, qui sont les autres ? Quelles perceptions nous distinguent et nous rassemblent ? Pour À te regarder, ils s’habitueront, Olivier Kemeid et Mani Soleymanlou ont réuni six metteurs en scène et une douzaine d’acteurs afin d’éclairer les questions de la diversité culturelle d’aujourd’hui (au Quat ‘Sous, du 5 au 30 septembre). La nouvelle direction artistique du Théâtre Jean-Duceppe ouvrira la saison avec Quand la pluie s’arrêtera, un texte futuriste d’Andrew Bovell, mis en scène et traduit par Frédéric Blanchette, qui nous entraîne à Alice Springs, en Australie, en 2039. Des poissons tombent du ciel. Quand arriverons-nous à modifier notre façon de vivre pour le bien des générations futures ? À voir du 6 septembre au 14 octobre 2017. L’Usine C met les petits plats dans les grands pour accueillir Olivier Py. Le comédien et metteur en scène qui dirige le Festival d’Avignon propose Les premiers adieux de Miss Knife, la diva toute en émotions, paillettes et perruque blonde qu’il personnifie. La chanteuse sera accompagnée de musiciens et de la reine montréalaise du kitsch Mado Lamotte. Le spectacle sera exceptionnellement présenté au Lion d’Or (13, 14 et 15 septembre). Dans un tout autre esprit, dix ans après sa création et une adaptation cinématographique couronnée de succès, Sylvain Bélanger s’attaque à Bashir Lazhar. En pleine crise migratoire et repli identitaire des pays occidentaux, le texte d’Evelyne de la Chenelière reste actuel (du 19 septembre au 14 octobre, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui). Après le succès des comédies musicales Les Belles-sœurs et Sainte Carmen de la Main, René Richard Cyr donne un nouvel essor à la célèbre comédie musicale de Michel Tremblay et François Dompierre, Demain matin, Montréal m’attend. Le spectacle est l’un des bons coups des célébrations du 375e de Montréal (du 19 septembre au 14 octobre, au TNM). La toujours pertinente Catherine Vidal réunit Larissa Corriveau, James Hyndman, Marie-France Lambert, Marie-Claude Langlois et Macha Limonchik pour défendre Je disparaitrais, d’Arne Lygre (au Prospero, du 26 septembre au 21 octobre). La compagnie Territoire 80 offrira pour sa part Visage de Feu, le magnifique texte de Marius von Mayenburg, dans une mise en scène de Laurence Castonguay Emery – c’est à ne pas manquer (dans la petite salle du Prospero, du 26 septembre au 14 octobre).
Octobre
L’être humain contrôlera-t-il son évolution ? Une porte s’est ouverte sur la (re)création de nous-mêmes. Qui travaille à tuer la mort ? Édith Patenaude et Dominique Leclerc offrent Post Humains, un mélange de théâtre documentaire, d’autofiction et de performance, le fruit de quatre années de recherches au cœur du mouvement cyborg et transhumaniste (du 3 octobre au 14 octobre, à l’Espace libre). Serge Denoncourt s’attaquera à La mort d’un commis voyageur, d’Arthur Miller. Une valeur sûre (du 3 octobre au 4 novembre, au Rideau Vert). Très attendue, la sensation des metteurs en scène montréalais, Angela Konrad, présentera enfin un premier texte de sa plume, Last night I dreamt that somebody loved me. Le projet conçu pour un acteur, quatre danseurs et un chien philosophe met en lien les chansons de l’icône pop Shirley Bassey, la brit-pop du groupe The Smiths, les réflexions des penseurs Freud, Badiou, Stiegler et la quête du bonheur. La psyché de l’homme relèverait-elle d’un échantillonnage hybride aussi pathétique que celui de la musique populaire ? Rires grinçants en perspective (du 10 au 21 octobre, à l’Usine C). Égérie des sous-estimés, poète maudite de la fin du siècle au Québec, Josée Yvon, surnommée la fée mal tournée, a tracé la route littéraire des révoltés. Fascinés par le legs de cette poétesse, les artisans de la Messe Basse, Boudreault, Carbonneau et Cadieux dévoilent La Femme la plus dangereuse du Québec à travers des archives inédites (du 10 au 28 octobre, à la salle Fred-Barry). Et pourquoi pas un minifestival Catherine Chabot ? Table rase, le texte qui a révélé l’auteure et obtenu le prix de la critique du meilleur texte Montréal 2015-2016, revient en effet pour une troisième année consécutive à l’Espace Libre, après avoir été monté en Angleterre. Ses portraits de jeunes femmes décomplexées qui vont jusqu’au bout de leur amitié valent le détour, profitez-en (du 19 au 29 octobre).
Novembre
Avec la forme théâtro-musicale Nina, c’est autre chose, Florent Siaud offre une pièce de chambre de Michel Vinaver, ciselée comme un film d’été d’Éric Rohmer (à La Chapelle, du 1er au 5 novembre). Michel-Maxime Legault présente Savoir Compter de Marianne Dansereau, un texte qui raconte la vie grave et poétique des petites gens, dans une société où l’ignoble contamine autant l’âme humaine que les systèmes politiques (du 7 au 25 novembre, salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui). Après Table rase, écrit avec la collaboration de Brigitte Poupart et des interprètes, Catherine Chabot prend seule la plume et pose son regard perçant sur les joutes amoureuses. Ce sera Corrida, dans une mise en scène de Frédéric Blanchette. Prometteur (du 7 au 25 novembre, à l’Espace libre). Le metteur en scène Martin Faucher retrouve Sarah Berthiaume, l’auteure de Yukonstyle. Ensemble, ils racontent Antioche, la fable de trois filles emmurées vivantes qui décident de fuir vers l’avant, là où tout peut encore changer. Un dialogue nécessaire autour de la radicalisation et de l’immigration (du 7 au 25 novembre, à la salle Fred-Barry). Denis Lavalou signe l’adaptation et la mise en scène d’Un si gentil garçon, un roman de Javier Gutiérrez qui raconte le pitoyable crime sexuel de Polo, un garçon de bonne famille et passionné de musique. Cinq comédiens, trois musiciens et une performeuse visuelle se partageront le plateau pour offrir un événement multisensoriel (du 7 au 18 novembre, à l’Usine C). Petite Sorcière doit vivre chez l’ogre. Mais comment cohabiter avec un monstre qui veut vous dévorer ? Et s’en débarrasser sans devenir soi-même un monstre ? Dans cette fable, le fabuleux duo Bélanger-Brullemans raconte une histoire de courage et nous éveille à la négligence parentale. À voir sans faute (aux Écuries, du 14 au 25 novembre). Vu du pont, la pièce-choc d’Arthur Miller, reste criante d’actualité : un immigrant humilié par des lois contraires aux principes de sa culture, le drame d’une communauté déchirée dans ses valeurs et dans ses loyautés… Il n’en fallait pas plus pour que Lorraine Pintal la choisisse (du 14 novembre au 9 décembre, au TNM).
En terminant, je vous invite à fureter du côté des sites internet des compagnies. Des invitations à des événements vous feront découvrir un peu plus la scène théâtrale montréalaise. Un exemple ? Le Hamlet-Machine de Heiner Müller, mis en scène par Jocelyn Pelletier, est présenté gratuitement le 9 septembre dans le cadre de l’événement d’ouverture des quatre saisons 17-18 de La Chapelle Scènes Contemporaines. Alors, allez-y !