La mise en valeur de l’enseignement est incontournable pour atteindre l’excellence. Anik Bissonnette, ancienne première danseuse des Grands Ballets et directrice artistique et pédagogique de l’École supérieure de ballet du Québec – l’unique institution francophone en Amérique du Nord qui offre une formation de calibre international en ballet –, l’a bien compris et elle souhaite pousser la préparation des élèves encore plus loin grâce à un vrai partenariat avec Les Grands Ballets. Entrevue.
Académie des Grands Ballets Canadiens, École supérieure de danse des Grands Ballets Canadiens, École supérieure de danse du Québec… au fil de ses multiples refontes et pour répondre aux nombreux mandats qui ont été les siens, l’institution a changé plusieurs fois de nom, mais l’École supérieure de ballet du Québec, fondée en 1952 par Madame Ludmilla Chiriaeff et incorporée en 1966 à la demande du ministère des Affaires culturelles du Québec, reste la référence en matière d’enseignement et de formation professionnelle de la danse classique au Québec. « Ce partenariat avec les Grands Ballets, c’est un vœu que je formulais depuis mon entrée à la direction de l’école en 2010 et avec l’arrivée d’Ivan Cavallari, j’ai trouvé un interlocuteur ouvert; nous avons donc pu aller de l’avant et réunir les deux institutions sœurs fondées par Ludmilla Chiriaeff », commence la toujours dynamique Anik Bissonnette. L’ancienne danseuse étoile et le nouveau directeur artistique des Grands ont en effet commencé à échanger avant qu’il entre en poste. Ils se connaissent et ont la même vision : en Europe, toutes les grandes maisons de danse ont leur pépinière. L’idée était donc de mettre en place une structure similaire pour les jeunes danseurs québécois.
« Il faut donner aux jeunes la possibilité d’atteindre l’excellence, qu’ils puissent rêver d’aller au sommet, poursuit Anik Bissonnette. Ivan Cavallari a une vision très classique de la danse dans le sens où il veut une base classique forte […] Nous avons le même discours et je sais où il veut aller. Nous pensons tous les deux que même pour celles et ceux qui ne sont qu’intéressés par la danse contemporaine, la meilleure école reste la base classique – oui, c’est une école difficile, mais si les jeunes s’y astreignent, elle forme des corps magnifiques capables de danser le classique et le contemporain. » Qu’Ivan Cavallari veuille retoucher à du répertoire classique est excellent pour l’École supérieure de ballet. Le niveau du Stabat Mater, un ballet sur pointes très, très difficile et virtuose présenté le mois dernier, en est un bon exemple. La gagnante 2014 du prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle de la réalisation artistique évoque les partenariats qu’elle a développés : « J’ai été avec les Grands pendant 18 ans, j’ai toujours dit que c’était ma maison et je voulais que mes jeunes puissent espérer y entrer… C’est aussi un peu égoïste de ma part : je ne veux pas qu’ils s’éloignent trop de moi ! »
L’effet collatéral de la danse
La danse classique a beaucoup évolué et rares sont les compagnies qui se limitent dorénavant au classique, remarque Anik Bissonnette. On n’envisage plus la danse comme il y a 30 ans, il faut être un sportif complet et avoir un corps d’athlète. Les danseurs doivent être capables de tout faire, de jouer aussi : ils suivent des cours de pantomime et d’expression corporelle, des cours d’anatomie, d’histoire de la danse, de gestion de carrière, de psychologie… Et aussi de nutrition : l’École supérieure de ballet du Québec a d’ailleurs conçu avec l’aide de la diététiste-nutritionniste Catherine Naulleau Manger, danser, se surpasser : Guide de nutrition pour danseurs, un livre pratique et abondamment illustré sur l’importance de la nutrition pour les danseurs.
La plupart des étudiants commencent en secondaire, ils arrivent avec une bonne formation de base. L’École a aussi un programme junior qui accueille les jeunes après les cursus scolaires : une fois par semaine pour enfants de sept ans, deux fois par semaine pour les huit ans et de trois à quatre fois par semaine pour les neuf ans. « Nous les préparons pour le programme de danse-études où ils feront de 17 à 18 heures de danse par semaine dans les premières années puis, arrivés en secondaire IV, 25 heures par semaine », précise Anik Bissonnette. Au niveau collégial, l’École travaille avec des partenaires comme le pensionnat Saint-Nom-de-Marie ou le cégep du Vieux-Montréal.
C’est certain, les jeunes qui entrent à l’École supérieure de ballet veulent devenir danseurs professionnels et l’institution les épaule dans cette quête. Mais pour bien danser, il faut bien manger, bien dormir, avoir une vie équilibrée. On connaît maintenant tous les bienfaits de la musique et des arts chez les enfants et les adolescents; ceux-ci apprennent donc comment prendre soin de leur corps et de leur esprit. « Il y a tant de bienfaits dans la danse et comme toute école, nous formons de futurs citoyens », rappelle avec justesse l’ancienne présidente du Regroupement québécois de la danse. Anik Bissonnette conclut : « La danse est une école de vie. L’École leur apprend à être intègres, à vaincre les difficultés et ils sont impressionnants, car ils ne lâchent pas ! » On la croit sans peine : l’officière de l’Ordre du Canada et chevalière de l’Ordre national du Québec en est un bel exemple.