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Le directeur artistique Sylvain Bélanger réfléchit depuis un bon moment au 50e anniversaire du Théâtre d’Aujourd’hui, maintenant connu sous le nom de Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A). Le résultat ? Une programmation inclusive et allumée qui honore la signification du terme aujourd’hui et qui invite artistes et spectateurs à prendre place dans l’histoire, positivement. Entrevue.
Le Théâtre d’Aujourd’hui est depuis toujours reconnu comme la vitrine de la dramaturgie québécoise. Pour souligner son jubilé, le directeur artistique Sylvain Bélanger a convoqué de nombreux groupes de discussion et, au cours de ces conversations, le fil conducteur de la saison a émergé. « La société québécoise a souligné récemment les 50 ans de la Révolution tranquille et ce chiffre correspond à l’âge de notre théâtre », souligne d’emblée celui qui est aussi l’un des fondateurs du Théâtre du Grand Jour et du Théâtre Aux Écuries.
Mais comment se réapproprier aujourd’hui, un présent, une actualité sur laquelle nous avons si peu d’emprise ? Comment s’insérer dans la courbe de l’histoire ? Car la perte d’appartenance et la notion de collectif qui se décompose confrontent assurément les dramaturges de ce début de XXIe siècle. Comment rêver, aimer, exister en 2018 ? « Les artistes ont finalement travaillé sur le désir de créer de nouvelles filiations et de fabriquer chaque jour des complices d’idées, des acolytes de projets, sans jamais perdre de vue l’idée de faire face à notre histoire », explique le metteur en scène montréalais.
Cette saison du 50e, c’est un mouvement tectonique qui doucement, imperceptiblement, enclenche de nouvelles forces telluriques – et elles, de nouveaux paysages. « Ce n’est pas l’année du 50e en elle-même qui est spéciale, mais plutôt toutes les conversations qui l’ont entourée », avance le metteur en scène. Les projets qui en découlent donnent à la saison un petit côté organique, ouvert, poreux comme un dialogue.
« Les artistes du CTD’A ont une maison, une interface de contact avec les gens qui sont à l’extérieur de leur famille théâtrale. » Comme Mani Soleymanlou, qui ouvre la saison avec Neuf [titre provisoire]. Il s’est lié, avec sa génération d’acteurs, à des artistes qui les ont précédés tels que Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani pour qu’ensemble, ils aillent plus loin. Parce que les rencontres, Sylvain Bélanger en connaît l’importance.
Il y a une douzaine d’années, il a monté le texte Moi chien créole de Bernard Lagier, présenté en Martinique, en Guadeloupe, à Toulouse, à la Comédie-Française de Paris et à Montréal. Cet auteur lui a dévoilé le côté francophone du monde. La créolisation du français l’inspire; elle ne lui fait pas peur : « J’aime voir le théâtre comme une maison qu’il faut aérer et dont j’ouvre portes et fenêtres. »
« De la notion de peuple fondateur, je conserve l’idée de nation et tous les mouvements de notre dramaturgie nationale », ajoute-t-il sur le ton doucement provocant de celui qui fait mine de ne pas y toucher. « Le théâtre a changé; il n’y a plus d’eux et de nous – juste un Québec qui se prépare et qui se joue actuellement. »
Prendre place dans l’histoire
Le mandat du CTD’A reste de travailler à l’évolution de la dramaturgie québécoise. « Pour moi, les écrits dramaturgiques rendent visible un Québec qui est déjà là. C’est cette aventure théâtrale québécoise que je poursuis ! »
Né d’une provocation, le Théâtre d’Aujourd’hui n’est-il pas devenu, au fil du temps, un établissement reconnu ? « Cet anniversaire est aussi une saison éditoriale », reprend le metteur en scène qui tient à mettre de l’avant la dramaturgie scénique et l’influence de la mise en scène sur le texte. « Il faut repositionner le théâtre dans un monde ouvert et en mouvement. »
À la saison se greffe donc un volet événementiel, qui est en fait une mise en abîme de celle-ci, un commentaire de l’artiste qui nous donne sa version intime de l’histoire du Québec. Marc Séguin, Catherine Bourgeois et le Black Theatre Workshop ont été invités à proposer des projets déterminants dans leurs démarches artistiques respectives : « J’ai voulu qu’ils prennent place dans le train de la dramaturgie québécoise et dans celui du CTD’A. C’est une saison historique, c’est le moment de prendre le taureau par les cornes. »
Sylvain Bélanger s’est questionné sur la place des femmes au théâtre dès son arrivée au Théâtre d’Aujourd’hui. « Je me suis rendu compte que nous avions un problème parce que les femmes n’avaient même pas envie de proposer des projets tant elles se sentaient mal accueillies », assure le directeur artistique.
« En cette année anniversaire, sept productions sur dix sont des textes d’auteures et c’est une volonté de ma part », dit-il, à l’évidence satisfait. « Le théâtre a le rôle de former le regard du spectateur, de le former différemment – à l’amour, à l’empathie et au respect. Si nous écoutions les femmes, nous serions certainement dans une meilleure situation. »
Sylvain Bélanger discerne chez les femmes une façon d’écrire différente : « Elles ont un autre rapport aux événements, une autre façon d’emmagasiner le monde, alors la forme du spectacle et le rapport au fond deviennent forcément distincts. » C’est le cas de l’écriture d’Émilie Monnet, qui présente Okinum à la salle Jean-Claude-Germain en octobre. « C’est excitant de sentir qu’on arrive à autre chose. »
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