Pour célébrer son dixième anniversaire, l’ensemble Orford Six Pianos lance un deuxième album sur l’étiquette ATMA classique. L’énergie et le drame d’un programme tout russe (Khatchatourian, Prokofiev, Tchaïkovski et Moussorgski) se prête parfaitement à cet ensemble hors du commun.
Avec un tel rassemblement de claviers, les six interprètes parviennent sans difficulté à reproduire la variété timbrale d’un orchestre complet. À titre d’exemple, on peut voir ici leur version du Sacre du Printemps de Stravinsky. Comme l’explique la pochette d’album, les six pianos sont répartis en forme de demi-lune sur la scène. Émulant un orchestre, les pianos à l’avant jouent le rôle des cordes, ceux à l’arrière font la percussion, et ainsi de suite.
Comme l’a fait remarquer ma collègue qui passait par là lorsque j’écoutais l’album, on ne croirait pas entendre six pianos, ne serait-ce que pour la grande énergie déployée par l’ensemble. Les pianistes Sandra Murray, Claire Ouellet, Mariane Patenaude, Francis Perron, Pamela Reimer et Louis Dominique Roy ont un jeu d’ensemble solide et synchronisé qui met particulièrement en valeur les pièces rythmées. En fait, la profusion de touches jouées simultanément rappelle un peu l’effet surhumain d’un piano mécanique!
L’album s’ouvre et se termine par une dizaine de mouvements tirés des suites orchestrales de Khatchatourian. Entraînantes compositions aux titres imagés, ces pièces pourraient facilement accompagner un film muet. La syncopée Danse des montagnards et la célèbre Danse du sabre ressortent du lot.
L’Ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de Tchaïkovski est peut-être l’un des seuls endroits de l’album où un orchestre aurait été plus efficace. Les longues lignes mélodiques pourraient être supportées par un son soutenu dans les cordes, mais l’effet désiré n’est pas tout à fait atteint par les six pianos. L’arrangement de Francis Perron n’est pas en faute, c’est tout simplement une des limites de l’instrument.
Le point culminant de l’album est décidément Une nuit sur le mont Chauve de Moussorgski, qui éveillera des souvenirs chez quiconque a grandi avec le Fantasia de Walt Disney. L’arrangement de Louis Dominique Roy est terrifiant à souhait, et des glissandi aigus au piano remplacent à merveille les effets de vents.
La pochette d’album comporte aussi une fascinante conversation avec Marie Patenaude qui discute de la genèse du groupe, de leurs habitudes de répétition, et du répertoire pour six pianos.
Bref, un brillant album qui se démarque par son originalité, autant au niveau du répertoire que de l’ensemble. Orford Six Pianos se produit à Parry Sound, ON, le 6 août prochain. S’ils y mettent autant de fougue que dans ce deuxième album, ce sera un concert à ne pas manquer!
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4.5