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Claude Ranger — Canadian Jazz Legend
Par Mark Miller
Toronto, 2017; ISBN 978-1-77302-559-9
Claude Ranger demeure l’une des figures les plus exceptionnelles de la note bleue au Canada, et ce, à plus d’un égard. Sauf erreur, il est le seul jazzman dont le parcours est réparti en parts égales entre les trois métropoles, Montréal dans ses années de jeunesse, Toronto pour sa maturité et Vancouver en fin de trajet, lequel se termine dans le mystère complet avec sa disparition en novembre 2000. Dix-sept ans plus tard, un dossier reste ouvert dans un bureau de la Gendarmerie canadienne. Pourtant, ce fait n’est qu’incident dans la biographie de ce batteur, méconnu du grand public, mais marquant de manière décisive tous ceux qui l’ont côtoyé durant ses quelque quarante ans de carrière. Mark Miller, ancien journaliste du Globe and Mail, s’est donné comme mandat en tant qu’historien presque officiel du jazz canadien de ressusciter le disparu des limbes de l’oubli. Sur disque, on ne le retrouve qu’à titre d’accompagnateur (l’auteur nous fournit une discographie), mais il n’a jamais enregistré sous son nom, ne laissant aucune trace de son mythique Jade Orchestra à Vancouver. Outre quelques partitions isolées conservées par ses compagnons de route, il ne reste plus rien de son œuvre, car il semble avoir tout détruit, selon un associé. Son trouble bipolaire, diagnostiqué sur le tard, explique certainement son instabilité de caractère et son abandon du métier en 1998, le poussant même à vendre sa batterie à un jeune musicien, Ivan Bamford, dernier témoin de son existence.
Quant au livre, il s’inscrit parfaitement dans la lignée des publications de son auteur. Au fil des ans, il a rédigé un dictionnaire de jazzmen canadiens, une monographie sur les passages de Charlie Parker au Canada, deux collections de portraits d’artistes, deux études retraçant la diffusion du jazz au Canada et à l’étranger ainsi que des biographies de Valaida Snow et de Herbie Nichols, deux grands méconnus dans les annales du jazz. Ce nouveau titre, paru au printemps dernier, s’insère parfaitement dans ce corpus, tant par la nature du sujet traité que par la rigueur de recherche et d’écriture de son auteur, qui a d’ailleurs interviewé et pris des photos de Ranger (celle arborant la page couverture, par exemple). La prose est limpide et l’histoire ne s’égare jamais en méandres. Les jugements sont sobres, critiques ou élogieux au besoin, évitant du reste les pièges de l’hagiographie. Méticuleux, Miller a creusé en bon détective, se déplaçant même pour mener quantité d’entrevues avec des témoins. Notons enfin que Miller a dû publier son livre à compte d’auteur, faute d’intérêt d’éditeurs au pays – triste rappel de cette habitude typiquement canadienne (et québécoise) de méconnaître nos talents et de les consigner aux oubliettes.
(Disponible en format numérique ou papier chez Indigo ou Amazon Canada.)
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