Au Rayon du disque : Deux trompettes et un cornet

0
Advertisement / Publicité

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Pour la majorité des gens, l’été est le moment de prendre congé des obligations de travail. Les journalistes musicaux en revanche ne font pas partie du nombre. Quand ils ne courent pas les festivals pour en faire des comptes rendus, ils peuvent écrire des articles en prévision des spectacles, interviewer des artistes ou prêter l’oreille à un flot ininterrompu de nouveautés discographiques coïncidant avec la saison des festivals.
Parmi le lot de disques accumulés ces derniers mois, voici trois titres qui ressortent, chacun d’eux sous la direction d’un trompettiste.

Miles Davis
Stockholm 1967-1969 (Revisited)
Hat ezzthetics 1130

Mort depuis 30 ans, Miles Davis continue de nous éblouir à coup de rééditions et
d’enregistrements obscurs ou inédits. Cet album de près de 80 minutes compte deux extraits de concerts tenus dans la capitale suédoise à deux ans de différence. En 1967, c’est son classique dernier quintette acoustique et, en 1969, l’une de ses toutes premières formations de jazz fusion, celle avec Chick Corea (davantage au piano acoustique qu’électrique), Dave Holland et Jack DeJohnette, prenant chacun le relais de Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams, le saxo Wayne Shorter étant de la partie dans les deux prestations. À ce moment critique de sa carrière, Miles le trompettiste était au sommet de sa forme, ses hommes aussi, le saxo d’une magnifique intensité dans le second concert. La musique du Prince Noir à cette époque se déployait à un train d’enfer, nous tenant dans ses griffes dès les premières notes sans jamais lâcher prise. Pour vous en convaincre, on recommande fortement de visionner le premier concert sur YouTube.

Dave Douglas
Secular Psalms
Greenleaf GRE CF 109

À la mort de Miles en 1991, deux trompettistes faisaient la une en jazz, Wynton Marsalis et Dave Douglas. Une rivalité entre les deux avait largement été fabriquée par les médias, le second vu comme la voie de l’avenir, le premier comme le gardien du passé. Le temps ayant fait son œuvre, Douglas a assuré sa place dans le giron du jazz, son parcours semé de projets les plus diversifiés, éclectiques même. Son plus récent, paru sur son étiquette Greenleaf, démontre une fois de plus sa vision musicale, en l’occurrence une musique basée sur l’œuvre picturale sacrée de Jan van Eyck, peintre flamand du XVe siècle. Dans l’esprit de cet art, la musique est empreinte de solennité, encadrée par des compositions très encadrées. L’instrumenta-tion, un tant soit peu inusitée par l’inclusion d’une violoncelliste et d’une chanteuse jouant du tuba et du serpent, ajoute au cachet sonore de l’album. Des textes d’époque, traduits de l’ancien français à l’anglais, s’insinuent dans la trame musicale, difficiles à comprendre, mais reproduits dans la pochette cartonnée. Sans être difficiles d’accès, ces psaumes demandent toutefois une écoute attentive et soutenue que l’on pourrait se réserver pour les mois plus sombres que ceux, plus lumineux, de la saison écoulée.

 

Kirk Knuffke Trio
Gravity without airs
Tao Forms TA0 10

Trompettiste à ses débuts, Kirk Knuffke a troqué ce puissant instrument pour son plus petit cousin, le cornet, un brin plus doux selon ses praticiens. Dans la jeune quarantaine, cet Américain nous offre un enregistrement de tout premier ordre, d’autant plus impressionnant qu’il s’agit de deux disques de 45 minutes, chacun comportant sept plages. Sans tambour ni trompette pourrait-on dire, il s’entoure de deux vétérans de la scène des musiques créatives, le pianiste Matthew Shipp et le contrebassiste Michael Bisio. La chimie s’instaure dès les premières notes, la communication s’établit de manière à ce que la musique se déploie d’elle-même. Abstrait par moment, enjoué à d’autres, parfois sobre dans son jeu, le trio parcourt tous les registres avec une complicité telle qu’on le penserait actif depuis longtemps, ce qui n’est pas le cas. On applaudit M. Bisio dont le son puissant et propulsif rend une batterie tout à fait superflue dans ce contexte. Pour du jazz résolument d’ici et maintenant, voici une illustration qui s’adressera autant à la tête qu’au cœur des amateurs, même de quelques nouveaux initiés en quête de découvertes.

À lire aussi dans cette section : Sorties… pour la rentrée montréalaise et… nouvelles ontariennes

 

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Marc Chénard is a Montreal-based multilingual music journalist specialized in jazz and improvised music. In a career now spanning some 30 years, he has published a wide array of articles and essays, mainly in Canada, some in the United States and several in Europe (France, Belgium, Germany and Austria). He has travelled extensively to cover major festivals in cities as varied as Vancouver and Chicago, Paris and Berlin, Vienna and Copenhagen. He has been the jazz editor and a special features writer for La Scena Musicale since 2002; currently, he also contributes to Point of Departure, an American online journal devoted to creative musics. / / Marc Chénard est un journaliste multilingue de métier de Montréal spécialisé en jazz et en musiques improvisées. En plus de 30 ans de carrière, ses reportages, critiques et essais ont été publiés principalement au Canada, parfois aux États-Unis mais également dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Allemagne, Autriche). De plus, il a été invité à couvrir plusieurs festivals étrangers de renom, tant en Amérique (Vancouver, Chicago) que Outre-Atlantique (Paris, Berlin, Vienne et Copenhangue). Depuis 2012, il agit comme rédacteur atitré de la section jazz de La Scena Musicale; en 2013, il entame une collabortion auprès de la publication américaine Point of Departure, celle-ci dédiée aux musiques créatives de notre temps.

Les commentaires sont fermés.