Tuesday, 14 September, 2010
Une rentrée culturelle sous un ciel variable
Par Simon Brault, président de Culture Montréal
La rentrée culturelle bat son plein. Des centaines de créateurs et des dizaines de compagnies et d’institutions tentent d’attirer l’attention en présentant les fruits d’un travail de création et de production qui les a mobilisés pendant des mois, sinon des années.
Au travers de cette fébrilité, des défis complexes se profilent à l’horizon pour notre ville… et il faudra bien les relever pour espérer d’autres rentrées aussi foisonnantes ! Le secteur culturel montréalais est reconnu pour sa résilience, mais il est impératif d’en renforcer les assises financières et l’ancrage dans la population pour le protéger des forts vents qui souffleront bientôt…
Car force est de constater que rien ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Partout en Occident, on assiste à un mouvement de balancier inquiétant ; moins de deux ans après l’adoption de plans de relance très coûteux dont le secteur culturel a peu bénéficié, plusieurs gouvernements annoncent en effet des compressions sévères pour juguler des déficits record. De nombreux experts prédisent plusieurs années de stagnation et remettent en question les hypothèses de croissance sur lesquelles se fondent les modèles d’affaires et l’action des gouvernements depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
De plus, le climat politique morose qui prévaut affecte aussi l’élan de la métropole. L’espace de confiance nécessaire à la réalisation de grands projets semble rétrécir. Mais Culture Montréal continuera de coopérer avec les ministres concernés, avec la mairie de Montréal et avec la Chambre de Commerce du Montréal métropolitain pour la mise en œuvre du Plan d’action Montréal, métropole culturelle 2007-2017. Ce plan a entre autres permis un rattrapage dans le réseau des bibliothèques publiques et le décollage du projet de réaménagement du Quartier des spectacles. Ce n’est pas rien ! L’émergence de Montréal Complètement Cirque, qui a investi plusieurs arrondissements de la métropole cet été, s’inscrit aussi dans la vision portée par le Plan d’action.
Cependant, presque trois ans après la tenue du Rendez-vous, il faut admettre que les nombreux projets d’infrastructures ont drainé beaucoup de ressources et d’attention alors que de les dossiers touchant le développement culturel au quotidien sont restés en friche.
À cet effet, on ne peut passer sous silence la situation actuelle dans le Quartier des spectacles. L’état de délabrement du boulevard Saint-Laurent s’est accentué avec la stagnation du chantier du 2-22. De plus, la vision et la promesse d’un « environnement unique pour vivre, créer et se divertir » semble difficile à réaliser alors que les projets de condos dispendieux poussent comme des champignons. Cela dit, il faut saluer les efforts convaincants du Partenariat du Quartier des spectacles pour animer la Place des Festivals ; l’édification de l’Adresse symphonique ; les rénovations à la Place des arts ; et la reconfiguration possiblement prometteuse des grands festivals.
Évoquons un autre sujet d’inquiétude : en juin dernier, l’évacuation, pour des motifs de sécurité, de dizaines d’artistes d’un édifice situé au 5555 de Gaspé – dans le Mile End, l’un de nos châteaux forts créatifs – nous rappelait, si besoin était, qu’ici comme ailleurs, les artistes sont souvent les premières victimes d’un développement fait en leur nom dans des quartiers dont on veut optimiser la vocation culturelle pour des raisons économiques. Il faut contrer ce phénomène, et c’est pourquoi Culture Montréal proposait récemment un ensemble de solutions pour favoriser la présence des créateurs sur le territoire. Nous devons être à la hauteur de nos prétentions de métropole culturelle exemplaire !
Il faudra bien plus que des bétonneuses et des beaux discours pour bâtir la métropole culturelle sous ce ciel variable. Il faudra une vision partagée et appuyée par nos concitoyens. C’est donc avec eux qu’il faut parler d’art et de culture à l’occasion de la rentrée.