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Laval, le 14 novembre 2022 – L’épouse et les enfants de Gilbert Patenaude ont le regret d’annoncer son décès, survenu le 13 novembre 2022, à la Cité de la santé de Laval.
Né à Montréal dans le quartier Rosemont, il grandit à Outremont où il fait l’apprentissage de la musique comme soprano chez les Clercs de Saint-Viateur, puis au piano et à l’orgue à l’École Vincent-d’Indy. Il poursuivra ensuite l’essentiel de sa formation musicale au Conservatoire de musique du Québec à Montréal. À la recommandation de Raymond Daveluy, il deviendra le tout premier directeur musical laïc des Petits Chanteurs du Mont-Royal, une fonction à la fois pédagogique, musicale et liturgique qu’il occupera pendant 38 ans.
Gilbert Patenaude a aussi enseigné au Cégep de Saint-Laurent, à l’école Vincent-d’Indy, contribuant à la formation de milliers de jeunes musiciens. Il a dirigé le Chœur Vaudreuil-Soulanges, le Théâtre d’art lyrique de Laval et il fut le chef fondateur de plusieurs ensembles dont l’Orchestre symphonique de Laval, les Chantres musiciens, les Voix d’Elles, les Filles de l’Île et le Chœur Enharmonique.
Il laisse un important corpus d’œuvres comprenant des opéras, de la musique orchestrale, de la musique de chambre, plusieurs œuvres vocales et des milliers d’harmonisations, arrangements et orchestrations.
Il a reçu le Prix hommage 2018 du Conseil québécois de la musique et une Médaille de l’Assemblée nationale en 2022.
Gilbert Patenaude a fait l’objet de deux articles dans l’édition papier de La Scena Musicale. Vous trouverez ci-dessous les textes en guise d’hommage.
Gilbert Patenaude, homme de musique
par Dominic Trudel – paru dans La Scena Musicale le 28 mars 2019
En février dernier, le prix Opus Hommage du Conseil québécois de la musique (CQM) a été décerné à Gilbert Patenaude afin d’honorer l’ensemble de sa carrière. On le connaît pour son engagement envers le chant choral, particulièrement auprès des Petits Chanteurs du Mont-Royal sous sa direction pendant trente-huit ans. C’est avec dévouement et rigueur qu’il s’est acquitté d’une charge pédagogique et musicale soutenue et exigeante, puisqu’à l’enseignement s’ajoutaient, chaque année, plus de quatre-vingts prestations, cérémonies religieuses et autres concerts. Ses réalisations avec les jeunes choristes comptent pas moins de vingt-trois tournées internationales et l’enregistrement d’une douzaine de disques. Il a ainsi formé plus de mille garçons, abordant un immense répertoire allant du grégorien à la musique contemporaine, en passant par les grandes œuvres polyphoniques de la Renaissance et la chanson folklorique.
Le chef de chœur compte également de nombreuses réalisations avec Les Troubadours de Terre des Hommes, le Chœur Vaudreuil-Soulanges, Les Voix d’Elles, Les Filles de l’Île et le Chœur Enharmonique. Il assure toujours la direction du chœur de voix d’hommes Les Chantres musiciens qu’il a fondé en 1992.
Bien qu’ayant été initié tôt à la musique, d’abord chez les clercs de Saint-Viateur, puis à l’École Vincent-d’Indy, c’est à une carrière en travail social que Gilbert Patenaude se destine avant que la musique, incontournable, s’impose. Jeune marié et sans avoir terminé ses études en sciences sociales, un premier emploi pour enseigner la musique à Matagani, au nord de l’Abitibi, est décisif dans son parcours professionnel. Lorsqu’il revient à Montréal trois ans plus tard, c’est pour étudier au Conservatoire de musique du Québec, notamment en direction, en chant et en analyse musicale dans les classes de Rémus Tzincoca, Pierre Mollet et Gilles Tremblay.
Gilbert Patenaude est aussi un compositeur dont l’éventail des œuvres comprend la musique chorale, la musique de chambre, l’opéra, les contes musicaux et plusieurs mélodies pour voix et piano en plus de centaines d’arrangements. En recherche d’équilibre entre la prosodie et la musique, le compositeur tend à dépasser la pure démonstration technique. Comme en témoignent ses opéras Chevalier de Lorimier (1992), Marguerite Bourgeoys : de Troyes à Ville-Marie (1996) ou son adaptation du Petit prince de Saint-Exupéry (2002), ses principales sources d’inspiration sont l’humain et son passage dans l’histoire. Épris de poésie, il met en musique Nelligan, Alfred Desrochers, Gérald Godin, Roland Giguère, Gaston Miron, Gatien Lapointe et plusieurs autres. Sa musique illustre aussi de nombreux textes de sa compagne Thérèse Tousignant et quelques-uns de sa propre plume.
Engagé dans sa communauté, il a également été chef fondateur de l’Orchestresymphonique de Laval (1984-1986) et directeur artistique du Théâtre d’Art lyrique de Laval (1986-1994).
Pédagogue, chef de chœur et d’orchestre, directeur artistique, compositeur, arrangeur, Gilbert Patenaude est bel et bien un homme de musique, exigeant et totalement investi dans son art. Il a su transmettre à plus d’une génération le goût et l’appréciation de la musique.
Gilbert Patenaude : le maestro part à la retraite
par Julie Vovan – paru dans La Scena Musicale le 1er avril 2016
Après 38 ans à la direction artistique des Petits Chanteurs du Mont-Royal, maestro Gilbert Patenaude prend sa retraite. Quel legs musical et pédagogique laisse-t-il ?
En 1978, Gilbert Patenaude devient le premier directeur musical laïque des Petits Chanteurs. Depuis ses débuts il y a 60 ans, la chorale a pour mission première d’offrir un soutien musical dans les services religieux de l’oratoire Saint-Joseph. L’arrivée de maestro Patenaude annonce donc un changement de cap pour les jeunes chanteurs. Il assumera la direction artistique et la formation musicale tout en composant des œuvres, dont trois opéras.
Quelques mois après son embauche, maestro Patenaude et les Petits Chanteurs se préparent pour un concert de Noël avec nul autre que Luciano Pavarotti. Le chef de chœur doit alors diriger l’imposant soliste et sa chorale tout en composant avec le legs de ses prédécesseurs, encore frais dans la mémoire des choristes. Mais si le concert de Pavarotti a marqué l’histoire des Petits Chanteurs, Gilbert Patenaude, lui, est plutôt marqué par un concert des Petits Chanteurs au Pays de Galles. Au programme figurait leMein Odem ist schwach de Max Reger, une œuvre à 4 voix mixtes. L’un des spectateurs lui avait avoué que même les universitaires de la région n’avaient pu rendre la partition, vu ses difficultés. « Je peux mourir demain en ayant entendu la plus belle musique », lui dit le spectateur admiratif.
Gilbert Patenaude résume sa philosophie ainsi : il faut « être engagé dans tout ce qu’on fait, et dans le service aux autres ». Il a voulu établir une certaine rigueur et un dévouement au travail, une certaine éthique et un savoir-être. Par exemple, il était important d’établir un climat de calme lors des répétitions, pour assurer un travail bien fait. Le chef commençait souvent les répétitions en rappelant cette consigne. Il semble avoir réussi à enseigner sa philosophie : avec un sourire, il raconte que la plupart des messages qu’il reçoit des anciens étudiants proviennent de ceux qui avaient été les plus turbulents. Ces diplômés avouent aujourd’hui donner raison au maestro, et ils sont reconnaissants d’avoir hérité de sa philosophie.
« Il n’est pas facile d’amener un groupe de jeunes à bien comprendre l’importance du chant dans un lieu sacré comme l’Oratoire. Avec rigueur et patience, monsieur Patenaude a, pendant toutes ces années, inculqué à tous les petits chanteurs ce respect du sacré », écrit le père Claude Grou, recteur de l’oratoire Saint-Joseph. En effet, les Petits Chanteurs sont toujours présents le dimanche pour la messe. La religion, « c’est l’affaire de toute une vie », dit Gilbert Patenaude. Il a donc évité de s’imposer dans le cheminement spirituel des élèves même si, pour lui, la foi chrétienne est sa priorité. Le maestro insiste plutôt sur cette consigne : « Faites-le au nom des gens qui viennent à la messe. »
Ainsi, « 95 % des chanteurs sont présents aux messes et autres services de l’Oratoire », affirme le maestro, et ce, malgré leurs croyances religieuses parfois divergentes. Les chanteurs sont bel et bien assidus. Dernièrement, les jeunes chanteurs lui ont affirmé qu’une de leurs prestations préférées avait été le Chemin de Croix, dont la musique se composait de plusieurs œuvres sacrées. Les choristes chantent pourtant aussi souvent des pièces tirées du répertoire profane, notamment le populaire.
Comment le maestro a-t-il réussi à former de jeunes chanteurs ? Le fait qu’il soit laïque a joué un rôle utile : son expérience en tant que parent l’a aidé à bien comprendre et diriger ses jeunes étudiants. La rigueur de la sélection lors des auditions est certes aidante, la Maîtrise exigeant un minimum de discipline déjà installée chez les étudiants. Mais toujours est-il que le chef de chœur a su instaurer un climat sévère et exigeant, dans le seul but de produire une musique de valeur. Il avoue qu’à ses débuts, il laissait aller son humour; mais il a vite réalisé que la discipline s’érodait et il a modifié son approche. Il semble avoir été efficace : il raconte qu’à l’entracte d’un certain concert, il entendait ses choristes se reposer en ne parlant que de musique entre eux. On l’aura compris, maestro Patenaude a su transmettre par osmose sa passion pour la musique.
Pour lui, il « faut être d’abord musicien » pour être directeur artistique. Mais sa priorité est sa foi, et son implication à la Maîtrise des Petits Chanteurs et de l’Oratoire n’est pas surprenante. Pour lui, la musique dépasse aussi l’aspect monétaire et la gloire. En 1978, il accepte le poste non pas pour la rémunération ou le statut, mais bien pour la possibilité de servir la société. Sans contradiction, ses trois livres essentiels sont, dit-il, « la Bible, lesFables de La Fontaine et Le Petit Prince de Saint-Exupéry ». Là résident toutes ses croyances, qui ont certainement influencé son passage à la barre de la Maîtrise des Petits Chanteurs. Après sa dernière tournée dans le nord-est des États-Unis avec ses choristes, maestro Patenaude prendra sa retraite en juillet prochain. Il léguera bien entendu aux étudiants sa passion pour la musique, mais surtout sa grande énergie et ses valeurs.
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