Critique | Marina Thibeault : une invitée de marque pour le Trio Fibonacci

0

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Par Guillaume De Pauw

Invitée à se joindre au Trio Fibonacci à l’occasion de leur prochain concert, l’altiste Marina Thibeault permettra exceptionnellement à cette formation d’aborder le répertoire pour quatuor avec piano. Une entrevue avec cette virtuose avant le concert Le trio se met en quatre nous donne un avant-goût de cette plongée dans le romantisme allemand.

Commençons par la collaboration avec les musiciens, une chose très rare pour le Trio Fibonacci qui soulève la question de l’intégration à un ensemble établi. « Je me sens d’autant plus chanceuse de me joindre à une formation expérimentée » précise la musicienne. « Les membres du trio ont déjà une grande complicité alors une fois en répétition on peut tout de suite explorer différentes options d’interprétation. On s’enrichit mutuellement de nos pratiques respectives pour décider des couleurs, des nuances qu’on souhaite donner aux œuvres. »

Du statut de mal-aimé à l’âge d’or de l’alto

Le son de l’alto, avec sa puissance tragique et sa profondeur, a la réputation de particulièrement seoir au romantisme. Un répertoire qui a une grande importance dans la carrière de l’altiste justement. « À 15 ans, j’ai entendu les sonates de Brahms et j’ai eu un coup de cœur pour l’alto. Tant Brahms que Schumann ont su donner ses lettres de noblesse à cet instrument qui était alors souvent mal-aimé.

De plus, j’ai eu la chance de jouer l’op. 60 de Brahms avec Peter Wiley du Guarneri Quartet au Curtis Institute of Music, un des plus beaux souvenirs de mes années d’études » se rappelle l’altiste.

Un triangle amoureux dans un quatuor

On dit souvent que ce quatuor de Brahms exprime l’amour malheureux ou sans lendemain de Johannes Brahms pour Clara Schumann. Une histoire de passion qui a justement beaucoup touché la musicienne dans son adolescence : « J’ai passé des heures à explorer des volumes d’édition poussiéreux pour lire les lettres qu’ils se sont envoyées. J’étais vraiment émue par cette relation à la fois très innocente et passionnée dans la plus grande tradition romantique. Et cela allait au-delà de l’idylle qu’on leur prête. Il y avait une sorte d’adoration respective, de dévotion, mais aussi un amour au sens universel du terme quand on pense à Brahms qui aidait Clara Schumann à s’occuper de ses enfants » ajoute Mme Thibeault. Quand on lui demande si cela se traduit musicalement, elle évoque cette anecdote. « Robert Schumann avait transposé le nom de Clara en notes dans une partition, et Brahms a repris ce motif au début de ce quatuor. »

Concernant Schumann, son Quatuor avec piano op. 47 a été créé en 1842, considérée comme l’ « Année de la musique de chambre » du compositeur, pendant laquelle il s’est entièrement consacré à ce style. Une œuvre qui permettra donc d’apprécier toute la maîtrise schumanienne en la matière. « Cette pièce a aussi une place particulière dans mon parcours. Je l’ai interprétée à mes débuts avec Matt Haimovitz, Andy Simionescu et Navah Perlman à New York ; et plus récemment au Festival de musique de chambre de Montréal avec le Tempest Trio qui réunit des interprètes de réputation internationale » conclut la virtuose.

Une artiste engagée pour faire entendre les voix  des minorités

De Johannes Brahms à Robert Schumann, on ne pouvait clore cette entrevue sans mentionner la place de Clara Schumann dans l’histoire et plus généralement celle faite aux femmes dans la musique à travers les siècles. L’altiste accorde en effet une grande place aux compositrices, comme en témoignent les pièces les mettant en valeur dans l’enregistrement d’Elles (ATMA Classique 2019). « J’essaie surtout de défendre les minorités, quelles qu’elles soient, mais sans que ce soit d’une manière dogmatique non plus. Disons qu’à qualité égale, je privilégierais celles et ceux qu’on a le moins de chance d’entendre. »

Finissant la discussion avec un conseil d’écoute, Marina Thibeault nous invite à découvrir l’artiste anishinaabe Melody McKiver. Elle a interprété deux de ses œuvres (Ningodwaaswi et Niizh) en solidarité avec les Premières Nations et les communautés affectées par les atrocités commises dans les pensionnats autochtones.

Des pièces qui feront certainement vibrer la corde sensible des auditeurs en attendant le prochain concert avec le Trio Fibonacci.

Trio Fibonacci et Marina Thibeault : Le trio se met en quatre

Vendredi 6 mai
Salle Bourgie, 19h30

Programme

Johannes Brahms | Quatuor pour piano et cordes en ut mineur, op. 60

Robert Schumann | Quatuor pour piano et cordes en mi bémol majeur, op. 47 

Billets : www.triofibonacci.com

 

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Les commentaires sont fermés.