Le troisième et dernier concert de l’intégrale des Sonates pour violon et piano de Beethoven, qui avait lieu à la salle Bourgie, était aussi le premier devant public depuis les récentes annonces du gouvernement. Cela faisait 6 mois, presque jour pour jour, qu’il n’y avait plus eu de concerts dans cette salle. 130 personnes étaient présentes, nous dit-on du côté des communications. De nos jours, c’est la définition d’une salle comble.
En préambule, la directrice générale et artistique Isolde Lagacé a pris la parole pour souligner l’événement. Elle a rappelé notamment que les deux artistes de la soirée avaient fait, en partie, leur marque à la salle Bourgie. Le violoniste Andrew Wan était présent sur scène dès le quatrième concert de la toute première saison du diffuseur, il y a 10 ans de cela, tandis que le pianiste Charles Richard-Hamelin s’y était produit peu de temps avant de remporter, en 2015, le 2e prix du Concours Chopin de Varsovie qui allait lancer sa carrière.
En ces temps incertains, il nous a été donné d’assister à un concert comme on en voit rarement. De tout point de vue, le moment était fort en émotion. Chose étonnante, la complicité ne se faisait pas uniquement ressentir sur scène, entre les musiciens, mais également entre les musiciens et le public. Avant d’aborder la seconde œuvre au programme, la célèbre Sonate pour violon et piano no 9, « À Kreutzer », M. Richard-Hamelin a témoigné au public sa reconnaissance pour être venu jusqu’ici et le public le lui a bien rendu.
Les deux musiciens se connaissent bien. Ils ont non seulement quelques concerts à la salle Bourgie à leur actif, mais surtout un enregistrement commun, paru chez Analekta en 2020, où ils interprètent justement des sonates pour violon et piano de Beethoven. C’est dire s’ils maîtrisent le répertoire sur le bout des doigts.
Leur complicité a fait des merveilles, notamment dans la sonate « À Kreutzer ». La musique est telle que le violon et le piano se parlent, dialoguent ensemble. Les quelques coups d’œil du pianiste à son partenaire de scène témoignaient de cette attention au détail. Le premier mouvement, en particulier, nous a permis d’admirer le touché de Charles Richard-Hamelin au piano, dont les notes étaient, par moments, à peine effleurées. Andrew Wan, de son côté, donnait l’impression d’être complètement absorbé par la musique et de vivre l’un de ces instants de transe qui font que l’artiste tente tout et réussit tout ce qu’il entreprend. On a particulièrement apprécié ses attaques franches, inspirées, et sa justesse impeccable jusque que dans les plus hautes notes de la corde de mi.
En ouverture de concert, Charles Richard-Hamelin et Andrew Wan ont interprété la Sonate pour violon et piano no 10, de caractère bien plus léger. Tantôt champêtre, tantôt mélancolique, comme le soulignait la note sur les œuvres au programme. Cette sonate fait notamment entendre des motifs en arpèges. L’occasion, parmi d’autres, pour le violoniste de montrer une autre facette de son jeu, aérien et en même temps teinté d’une certaine fébrilité.
On souhaite à la salle Bourgie qu’elle puisse maintenant poursuivre sur sa lancée, sans être interrompue comme elle l’a été en octobre. Serait-ce trop beau de penser jusqu’à la fin de la saison? L’avenir nous le dira.