Après de longs mois de confinement et d’incertitude sur leur avenir, le milieu musical et les salles de concerts pensaient être sortis d’affaire. Les programmations pour l’automne allaient bon train et beaucoup croyaient voir enfin la lumière au bout du tunnel. Et puis, tout a basculé. Le 28 septembre, quelques semaines seulement après l’annonce des premiers concerts de la saison, le premier ministre du Québec, François Legault, a décrété 28 jours de reconfinement pour les salles de spectacles. Le mot n’est jamais prononcé, bien sûr, mais la réalité est bien là. La pilule est d’autant plus difficile à avaler pour toutes celles et ceux qui avaient revu de fond en comble leur protocole sanitaire. Un peu plus tôt, le 23 septembre, une autre nouvelle est tombée sur le monde de l’opéra comme une douche froide : l’annulation pure et simple de la saison 2020-2021 du Metropolitan Opera de New York. À cela s’ajoute la fermeture des théâtres de Broadway jusqu’à la fin du mois de mai, annoncée vendredi.
La situation aux États-Unis est préoccupante, certes, mais elle ne devrait pas influencer nos propres décisions, me direz-vous. Sauf que le Met n’est pas n’importe quelle compagnie lyrique et d’autres seraient tentées de lui emboîter le pas. C’est d’ailleurs ce que vient de faire le Canadian Opera Company de Toronto, plus tôt cette semaine. Dans un communiqué publié mardi, la plus importante compagnie d’opéra au Canada a pris, selon elle, la seule décision qui s’imposait en matière de santé, à la fois pour son personnel, ses artistes et son public; c’est du moins la version officielle du directeur général du COC. Ce qu’Alexander Neef ne dit pas, c’est à quel point l’incertitude et l’impossibilité de se projeter à long terme, dans le climat actuel, sont dommageables pour une institution culturelle. En décidant d’annuler sa saison, le COC préfère prendre son destin en mains, indépendamment des directives gouvernementales, et s’épargne ainsi d’autres pertes financières qui pourraient faire plonger l’entreprise. Même si elle est difficile à prendre, cette décision a au moins le mérite d’être claire, notamment pour les artistes et agents d’artistes qui, on l’imagine, pressaient le COC d’agir.
Doit-on craindre la même chose pour l’Opéra de Montréal? Pas forcément. On sait déjà que ses grandes productions, La Traviata et Jenůfa, initialement prévues à l’automne, sont reportées à la saison 2021-2022. Pour le reste de sa programmation, il y a moins à s’inquiéter. Le fait que l’OdM privilégie des artistes locaux et des membres de l’Atelier lyrique joue clairement en sa faveur aujourd’hui. À condition, bien sûr, que le ciel ne soit pas obscurci par de nouvelles injonctions du gouvernement.
En conférence de presse, François Legault n’a pas exclu l’hypothèse d’un autre reconfinement, au vu de l’évolution de la pandémie. Si tel est le cas, ce pourrait bien être le coup de grâce pour les salles de spectacle. Ou la goutte de trop. Déjà remontés contre la décision du gouvernement, les professionnels de la culture ne peuvent pas être éternellement à la merci de telle ou telle annonce. Le supplice doit prendre fin. Il était nécessaire, bien sûr, que l’on aide financièrement le milieu culturel. Les 50M$ serviront à compenser les pertes engendrées par la fermeture temporaire des salles. Les 700K$ alloués à l’Opéra de Montréal lui permettront de multiplier ses projets de captation et de webdiffusion pour les trois prochaines années. Tout cela est très bien. Mais, au fond, les salles de spectacles ont surtout besoin qu’on leur donne des solutions concrètes pour éviter qu’une autre période de 28 jours se reproduise. Rien n’empêche le gouvernement de demander un renforcement des protocoles sanitaires. Pourquoi n’exige-t-il pas, par exemple, le port du couvre-visage en tout temps lors des représentations théâtrales et des concerts? Les collégiens et lycéens ont maintenant l’obligation de porter le masque en classe, a annoncé lundi le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, alors pourquoi n’en serait-il pas de même pour les spectateurs? Il est clair que les salles de spectacles ne peuvent pas continuer d’osciller ainsi entre ouverture et fermeture, comme elles l’ont fait depuis le mois de mars. Elles ont besoin d’avancer, une bonne fois pour toute, pour que cette saison ne soit pas une saison perdue.