Le 2 octobre dernier, la compagnie multi-disciplinaire La Nef inaugurait sa nouvelle saison par un récital guitare-voix avec la soprano Myriam Leblanc, accompagnée par Sylvain Bergeron. En préambule, la directrice générale et artistique Claire Gignac a rappelé que ce dernier, guitariste et archiluthiste, était également cofondateur de la Nef avec Viviane Leblanc. L’occasion pour Mme Gignac de rappeler la vocation de la compagnie, en pointant du doigt les copies miniatures des navires à trois mâts qui ornent la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours où avait lieu le concert: « La Nef est un bâteau faits de projets sur lesquels embarquent musiciens, artistes et concepteurs », a-t-elle dit métaphoriquement.
C’est la première fois que Myriam Leblanc se produisait avec eux. La chanteuse a proposé un répertoire de chansons d’amour de la Renaissance, de la période baroque et, pour finir la soirée, deux succès de la chanson française: « Ne me quitte pas » de Jacques Brel et « Dis-moi quand reviendras-tu? » de Barbara.
Au fil de la soirée, Myriam Leblanc a eu beau nous présenter, certes brillamment, chacune des pièces, l’absence de feuillets imprimés rendait le tout difficile à retenir, à absorber, et donnait surtout l’impression d’un pot-pourri.
Par la douceur de sa voix, Myriam Leblanc nous a plongé d’emblée dans une atmosphère intimiste. Dans « J’avais cru qu’en vous aimant la douleur serait extrême », d’un compositeur anonyme, on a pu admirer son talent artistique, sa musicalité et sa technique adaptée parfaitement à la musique ancienne, avec notamment le traitement vocal des appoggiatures. Dans « Vos mépris, chaque jour », d’un certain Michel Lambert, elle a fait parler son excellente diction. À l’écouter, cette pièce ressemble beaucoup stylistiquement au célèbre duo « Pur ti miro », extrait du Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi.
S’en sont suivies des pièces solo de la même période, interprétées par Sylvain Bergeron à la guitare baroque. Son jeu, tout en nuance et en subtilité, n’a laissé aucun déchet ni bruit parasite, les cordes de l’instrument vibrant toujours pleinement.
De retour à l’avant-scène, Myriam Leblanc a précédé un air de Caccini, « Se muove », d’une intro a cappella assez longue qui nous a permis d’apprécier à la fois la maîtrise totale de sa voix, notamment dans les pianissimos, et sa virtuosité dans un passage à vive allure. Elle s’est ensuite illustrée dans « Lagrime mie » de la compositrice Barbara Strozzi par son legato ample et généreux et par une absence exceptionnelle de vibrato qui conférait à son interprétation une grande sobriété.
Après une incursion dans le répertoire anglais avec une chanson coquine de John Bartlet, « Of all the birds that I do know », c’était au tour de Sylvain Bergeron de prendre les devants, cette fois comme archiluthiste. Son touché et sa finesse dans l’interprétation nous ont accompagné jusque dans un medley assez hétéroclyte qui allait de la chanson populaire « Greensleeves » à « Stairway from heaven » de Led Zeppelin en passant par « Blood on the Rooftops » du groupe Genesis. Un saut de plusieurs centaines d’années dans le temps, plutôt divertissant.
Pour le reste, la voix de Myriam Leblanc se prêtait plus ou moins bien aux chansons françaises de Brel et de Barbara. En effet, la rondeur très policée du chant classique fait difficilement bon ménage avec le côté souvent « écorché vif » du chansonnier belge. Cela passe mieux avec le tempérament plaintif de la dame en noir, mais on reste loin de l’intensité et de la profondeur de Barbara.
En guise de rappel, Myriam Leblanc a interprété une chanson acadienne tout en humour, « Avec un avocat », tirée de la collection du père Anselme Chiasson.