Festival Classica: La naissance du Nouvel Opéra Métropolitain

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La 13e édition du Festival Classica ouvrira un nouveau chapitre dans l’histoire de l’art lyrique au Québec. Elle signe, en effet, le début des activités du Nouvel Opéra Métropolitain (NOM) avec pas moins de trois productions originales : L’Homme qui rit (2023), L’adorable Belboul (1874) et Miguela (1891). Une « division lyrique » du Festival Classica a été mise en place pour mener à bien ce projet de grande envergure, dont tout indique qu’il s’inscrira dans le temps.

Nouvel Opéra, nouveau lieu

L’équipe du festival et son directeur général et artistique, Marc Boucher, ont établi un partenariat inédit avec la salle Claude-Champagne. Leurs discussions fructueuses avec la doyenne de la faculté de musique de l’Université de Montréal, Nathalie Fernando, ont déjà permis de mettre plusieurs spectacles au calendrier de 2024. À compter du mois de juin 2025, ils espèrent pouvoir s’implanter durablement dans cette salle et ainsi continuer à offrir, depuis Montréal, une programmation à la hauteur de leurs ambitions. « Sa capacité d’accueil et son emplacement font d’elle une salle idéale pour que le NOM y élise domicile », soutient Marc Boucher. Objectif à moyen terme : créer un festival d’opéra annuel dans la métropole, à la manière de ce que fait déjà l’Opéra de Québec dans la Capitale-Nationale.

Conscience écologique

La première production, comme les deux autres au programme de cette année, sera donnée en version concert augmentée. « On utilisera la salle de façon presque immersive en faisant des projections d’arts numériques et en créant des décors virtuels qui seront en fait des tableaux de l’opéra », précise-t-il. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de nouvelles politiques que le Festival Classica souhaite mettre en œuvre et qui reposent sur trois piliers : (a) réaffirmer le droit de travailler en français dans nos institutions culturelles au Québec; (b) assurer un milieu de travail sain en luttant contre toute forme de harcèlement; et (c) réduire l’empreinte carbone des productions d’opéra, ce qui passe par une dématérialisation des décors et une série d’actions en faveur du développement durable, notamment dans la confection des costumes de scène.

L’Homme qui rit (2023)

Marc Boucher voit les choses en grand. Pour le premier spectacle de cette première édition, il a commandé au compositeur Airat Ichmouratov l’écriture d’un nouvel opéra sur un livret du poète québécois Bertrand Laverdure. « Cela faisait déjà plusieurs fois qu’Airat me disait qu’il rêvait de composer un opéra. Je lui demandé s’il avait un sujet et il est arrivé avec L’Homme qui rit de Victor Hugo. Il ne semblait pas y avoir d’autres opéras écrits sur ce sujet. J’ai trouvé que c’était une superbe idée. Il n’avait pas de librettiste, alors je lui ai recommandé Bertrand. »

La collaboration entre les deux hommes a fonctionné à merveille, pour le plus grand bonheur de tous. « Ce tandem nous a donné une très grande œuvre dans la tradition presque puccinienne. De la grande musique, très bien orchestrée. On retrouve des airs accrocheurs, quelque chose qui génère une émotion forte et des souvenirs musicaux prégnants. On renoue avec le grand opéra, à la manière de Turandot. » Marc Boucher a d’ailleurs renouvelé sa confiance au compositeur et au librettiste en leur faisant une seconde commande pour l’année 2026. « Le prochain projet portera sur un roman de Balzac. On est vraiment dans la grande tradition des auteurs romantiques français et on considère qu’il y a encore énormément de choses à dire à travers ces histoires », confie Marc Boucher.

L’adorable Belboul (1874)

Entre 2013 et 2014, le manuscrit autographe d’une opérette de Jules Massenet avait resurgi chez la maison de ventes aux enchères Sotheby’s alors qu’on le croyait perdu. Composée en 1874 et créée en toute intimité dans le salon d’un des interprètes de la distribution, cette bouffonnerie en un acte, pour cinq chanteurs et orchestre réduit, a été publiée aux éditions Symétrie en 2018, peu après sa redécouverte, et sera présentée pour la première fois au Québec, le 6 juin, dans le cadre du NOM.

« L’adorable Belboul découle d’un canevas de la commedia dell’arte avec des personnages très reconnaissables comme Pantalone, Colombine et Arlequin, mais transposé à Samarcande, dans cet Orient fantasmé que les compositeurs de la fin du XIXe siècle avaient tous un peu en tête (par exemple, Ravel dans Shéhérazade). La mezzo-soprano française Pauline Sabatier viendra jouer la belle Zai-Za au côté d’une distribution québécoise composée de Myriam Leblanc, Florence Bourget, Antonio Figueroa et Geoffroy Salvas, dans une mise en scène de François Racine. Cela fait suite à notre coffret Massenet paru chez ATMA. »

Miguela (1891)

Marc Boucher a aussi des affinités particulières avec la musique de Théodore Dubois. En 2017, avec le chef d’orchestre Jean-Claude Malgoire, il avait présenté Le Paradis perdu, drame-oratorio, et quelques autres œuvres du compositeur. Le dernier projet sur lequel ils avaient commencé à travailler ensemble, peu de temps avant que le maestro décède en 2018, portait sur un autre opéra : Miguela, composé en 1891 et dont une partie seulement avait été créée en 1896 aux Concerts Lamoureux (Paris), mais qui n’avait encore jamais été édité. Oubliées à la Bibliothèque nationale de France, les 800 pages manuscrites de ce qui constitue le dernier opéra de Théodore Dubois ont trouvé un éditeur par l’entremise du Festival Classica. Et pour la première fois dans l’histoire, l’œuvre sera créée dans son intégralité le 14 juin prochain à la salle Claude-Champagne avec, une fois de plus, une distribution 100 % québécoise. « Nous avons en ce moment une des plus belles générations de chanteurs lyriques que le Québec ait jamais eues. C’est notre devoir d’augmenter le nombre de représentations – avec ou sans mise en scène – pour permettre à ces artistes merveilleux de chanter. On le voit, les économies et les marchés de l’étranger se referment. Pour les mêmes raisons, nous devrions nous aussi nous préoccuper davantage de nos artistes. »

Festival Classica. 13e édition sous le thème « De Fauré à Félix ». Spectacles du NOM : L’Homme qui rit d’Ichmouratov (31 mai), L’Adorable Belboul de Massenet (6 juin) et Miguela de Dubois (14 juin). Pour la programmation complète du festival, visitez le www.festivalclassica.com

 

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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