Critique | Salle Bourgie : I Gemelli signe un coup de maître pour sa première présence au Canada

0
Advertisement / Publicité

Rares sont les lieux de diffusion à Montréal capables d’offrir pareille expérience musicale! Le 22 novembre dernier, la Salle Bourgie accueillait l’Ensemble I Gemelli et son fondateur, le ténor Emiliano Gonzalez Toro. En compagnie d’un autre ténor complice sur ce projet, Zachary Wilder, les musiciens célébraient leur tout premier concert au Canada – le premier d’une longue série, on espère – avec un programme de compositeurs italiens du XVIIe siècle qu’ils avaient déjà offert sur disque en 2022 (A Room of Mirrors, paru chez Gemelli Factory).

Les deux acolytes chanteurs ont animé la soirée autant par leurs tours de chant que par leur présentation enjouée des œuvres. La première pièce du concert, Quella che tanto de Bellerofonte Castaldi (1580-1649), a fait apparaître distinctement les qualités vocales de chacun. Le timbre d’Emiliano Gonzalez Toro est plus charnu, plus développé dans le registre medium-grave, celui de Zach Wilder est plus aérien et aussi plus proche de la voix parlée. I Gemilli avait visiblement à cœur de mettre en évidence cette complémentarité, cette gémellité dont parlait le fondateur de l’ensemble au cours d’une de ses interventions et qui s’est avérée aussi éclatante entre les deux violons. Stéphanie Paulet tenait dans ses mains un instrument aux sonorités feutrés, tandis que celui de Leonor De Lera ressortait à coup sûr par ses aigus brillants.

Pour un concert sans costume ni mise en scène, le jeu scénique est apparu un peu trop démonstratif, notamment dans les premiers duos comme Dove ten’vai de Francesco Turini (1589-1656). Les déplacements des chanteurs étaient nombreux et les regards insistants que jetait Emiliano Gonzalez Toro à ses collègues instrumentistes, sans vraiment les diriger, ne pouvait que distraire le public… dans le mauvais sens du terme. Cela dit, le plaisir de faire de la musique sur scène était beau à voir.

Les musiciens d’I Gemelli sont d’évidence de fins experts dans l’interprétation de ce répertoire très imprégné du style monteverdien. Louise Pierrard, à la viole de gambe, et Annabelle Luis, au violoncelle, ont poussé leur sens de la musicalité jusqu’à la perfection pour offrir Langue al vostro languir, un admirable duo signé Sigismondo D’India (1582-1629). Marie-Domitille Murez, à la harpe, et Nacho Laguna, au théorbe, ont fait également des solos remarqués en allant chercher le plus de résonance possible de leurs instruments. La seconde partie du programme nous réservait de plus belles surprises encore, avec la Sonata quarta de Dario Castello (1602-1631), pour deux violons, et le duo final, Mai non disciolgasi d’Annibale Gregori (v.1580-1633), où les voix des ténors se sont entremêlées et prolongées mutuellement.

En rappel, l’ensemble a interprété une autre scène de duo, cette fois extraite de l’opéra Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi, avant de rejouer un des tubes du répertoire : Damigella, tutta bella de Vincenzo Calestani (1589-1617).

Partager:

A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.