Critique | OSM: Une scène comble et des ténors en voix

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La dernière fois que les Gurre-lieder de Schoenberg ont été présentés par l’OSM, c’était en plein cœur du mandat de Kent Nagano à titre de directeur musical. Il était donc plus que temps de redécouvrir un chef d’œuvre quelque peu oublié du post-romantisme allemand.

La quantité impressionnante de musiciens sur scène – plus de 200 – et la débauche d’énergie dont a témoigné notamment le chœur élargi de l’OSM dans le numéro final convenait parfaitement à l’inauguration d’une nouvelle saison haute en couleurs. Lors d’un concert gratuit organisé le 4 septembre dernier, également à la Maison symphonique, la cheffe de la direction, Mélanie La Couture, avait déjà parlé d’une 91e saison « incandescente » en référence aux chaussures de sport rouge arborés fièrement par Rafael Payare.

Pour le concert d’ouverture, le 11 septembre dernier, les chaussures rouges avaient, pour ainsi dire, changé de propriétaire. Elles étaient portées par celui qui y jouait le rôle principal, Clay Hilley (Waldemar). Le ténor américain a occupé l’essentiel de la première partie, aux côtés de Dorothea Röschman qui incarnait l’amante Tove.

Les aigus du chanteur se sont révélés véritablement au retour de la pause, dans les troisième et quatrièmes parties, grâce à une voix plus fringante que jamais, planant aisément au-dessus de l’orchestre. Cela dit, son médium est demeuré une valeur sûre, du début à la fin, et certainement le signe d’une santé vocale qui lui permettait d’aborder les notes les plus hautes avec confiance.

En revanche, la voix de Dorothea Röschman ne parvenait pas à allier les deux extrêmes. Surpuissante dans l’aigu, notamment lors de son ultime chant Du sendest mir einen Liebesblick, elle peinait à se faire entendre dans les registres plus graves tandis que l’orchestre ne connaissait pas de baisse de régime.

Rafael Payare a fait parler son dynamisme désormais légendaire et sa direction précise. Les cuivres étaient particulièrement mobilisés et tout aussi précis dans leurs attaques. De son côté, le violon solo, Andrew Wan, a offert des élans de poésie comme des moments suspendus dans le temps.

Karen Cargill, Thomas E. Bauer et Stephan Rügamer ont tous fait de solides prestations, dans des seconds rôles, certes, mais néanmoins marquants. Mention spéciale au ténor allemand, qui a fait ses débuts dans l’ensemble du Staatsoper de Berlin sous la direction de Daniel Barenboim. Sa diction délicieuse et à son charisme sur scène ont donné beaucoup relief au personnage de Klaus, le fou.

C’était ensuite au tour de Ben Heppner de faire une entrée spectaculaire. La modernité de l’écriture musicale, préfigurant le Sprechgesang des œuvres ultérieures de Schoenberg, a été parfaitement rendu par le plus célèbre des Heldentenors canadiens encore en activité. Une chance de l’avoir à Montréal! Quelques notes chantées, en fin de récit, nous ont permis de constater que sa voix n’avait pas perdu de son éclat, malgré les années et une mobilité déclinante.

Soulignons enfin la participation de Mani Soleymanlou. Narrateur de la soirée, ce comédien a décrit avec soin et fluidité, dans notre langue, les motivations des différents personnages de l’intrigue. Un choix totalement justifié par le fait qu’il s’agit d’une œuvre en langue étrangère et trop peu jouée pour être connue du grand public.

Prochains concerts: La Symphonie fantastique de Berlioz (18 septembre, à 19h30, et 19 septembre, à 10h30). À cette occasion, 4 nouvelles cloches d’orchestre seront inaugurées. Le public pourra notamment les entendre dans une création de Michael Oesterle, intitulée La Chapelle (commande de l’OSM). Pour plus de détails sur le programme, visitez le www.osm.ca

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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