Fidèle à sa volonté de réconcilier les peuples et les cultures, l’Orchestre métropolitain avait choisi Mamachimowin du compositeur autochtone Andrew Balfour pour ouvrir sa saison, aux côtés de la Symphonie no 9 et le Te Deum d’Anton Bruckner.
En préambule, Yannick Nézet-Séguin a expliqué au public venu nombreux à la Maison symphonique qu’il souhaitait faire de cet événement une grand-messe musicale, faisant preuve d’une dévotion qui n’avait d’égale que la ferveur des wagnéristes d’autrefois. Il faut dire que Bruckner lui-même avait pour Wagner une admiration sans borne.
Surtout pas d’applaudissements. Yannick Nézet-Séguin a enjoint le public de contenir son enthousiasme et d’attendre que la Symphonie no 9 soit complétée par le Te Deum, selon les dernières volontés du compositeur.
Néanmoins, tout ce qu’a écrit Bruckner n’est pas de l’ordre de la vérité révélée. Son ultime symphonie, bien que dédiée « au bon Dieu », ne revêt pas un caractère particulièrement divin. La densité orchestrale évoque plutôt les passions wagnériennes. De la même façon, le Te Deum comme quatrième et dernier mouvement n’est pas nécessairement une trouvaille si l’on considère de plus près leurs différences stylistiques.
Mamachimowin est une œuvre dont le caractère sacré, lui, ne fait aucun doute. Les notes tenues entre les divers pupitres du chœur provoquent, peu à peu, des frictions harmoniques, des dissonances savoureuses, qui contribuent au plaisir qu’on a de l’écouter et de la réécouter. On peut seulement regretter, à ce concert, que le chœur n’ait pas été assez fourni, notamment en voix de femmes, pour faire entendre tous ces frottements.
Yannick Nézet-Séguin a enchaîné d’un même souffle la Symphonie no 9 de Bruckner, s’appuyant judicieusement sur la présence du ré dans l’accord pour en faire une note pivot. Il a su exploiter l’acoustique de la salle à son plein potentiel en laissant le son de l’orchestre se propager lorsque la partition le permettait. D’évidence, la volonté du chef était d’amplifier les lignes mélodiques pour mieux les rétrécir en volume et ainsi donner beaucoup de relief à la musique. Certains traits musicaux sont nettement ressortis chez les trompettes, malgré une partition des cuivres très dense, ce qui est encore à mettre au crédit du chef. En comparaison, les violons 1 ont eu parfois de la peine à se faire entendre, moins mordants qu’à l’habitude dans des passages piano, mais offrant tout de même un son parfaitement unifié.
Le changement d’éclairage du bleu au jaune signalait le passage de la symphonie au Te Deum, sans interruption. Elle signifiait également aux quatre solistes invités le moment où ils pouvaient enfin se lever de leur place derrière l’orchestre, après 1 heure 10 d’attente. Les effets sur le non-réchauffement des voix ont été hélas audibles.
Comme souvent, ce sont plus aigües qui en ont le plus souffert. Les notes tenues de la soprano Latonia Moore ont souvent manqué de justesse. Le ténor Limmie Pulliam, dont la partie était la plus conséquente, avait une texture vocale très riche, mais elle perdait rapidement en projection quand la ligne s’élevait. Les solos de la basse Ryan Speedo Green ont révélé une voix élégante, semblant flotter librement au-dessus du chœur. De son côté, la mezzo-soprano Jennifer Johnson Cano a aussi fait une bonne prestation, mais elle a été moins sollicitée que ses collègues.
Le chœur de l’OM s’est montré percutant. Bien aidée par un groupe de chanteurs professionnels, la section des ténors est ressortie avec vigueur et autorité. Les basses étaient doublées par les trombones et ont formé une alliance convaincante. Soulignons enfin les bonnes nuances auxquelles sont parvenus les choristes dans les pianissimos.