Dans une entrevue publiée sur le site web de l’Orchestre Métropolitain, la metteure en scène Lorraine Pintal a très bien résumé ce qu’il allait advenir de l’événement du 26 novembre à la Maison symphonique, repris le lendemain à l’Église Notre-Dane-des-Sept-Douleurs de Verdun:
« Ce genre d’initiative est une rareté. Il ne faut pas manquer ce type d’expérience car ça nous permet à la fois de découvrir une autrice qu’on joue très peu sur nos scènes et de découvrir ce voyage musical que nous propose l’Orchestre Métropolitain. À mon avis, les thèmes abordés vont vous transformer, provoquer, faire rire et surtout alimenter votre réflexion sur l’époque dans laquelle on vit. »
Une telle initiative mérite, en effet, d’être saluée car elle place non seulement l’OM au croisement des arts, mais enracine l’institution dans le savoir-faire québécois. Certes, Virginia Wolff est britannique, mais son roman Orlando a été théâtralisé pour l’occasion par Lorraine Pintal et a mobilisé tout un groupe de comédiens d’ici, en collaboration avec le Théâtre du Nouveau Monde.
De mémoire, c’est aussi la première fois que l’on voyait la Maison symphonique autant transformée pour les besoins d’une vraie mise en scène – pas juste une mise en espace. À l’arrière, une grande toile rectangulaire dans le sens de la hauteur faisait une séparation symbolique entre l’action principale et les coulisses. De ce point de vue, l’OM crée un précédent et ouvre nécessairement de nouvelles perspectives artistiques que les autres orchestres québécois ne pourront dorénavent plus ignorer.
Concert théâtral ou théâtre en concert? Telle est la question. À regarder de plus près la disposition des musiciens, de la cheffe invité Naomi Woo, mais surtout la proportion de moments théâtraux durant le spectacle, on peut dire que l’OM s’est lui-même mis dans la fosse. Les comédiens qui se déplaçaient sur une plateforme latérale surélevée ont été propulsés, de fait, au premier plan.
Dans le rôle-titre, Rachel Graton a su très bien jouer sur la frontière entre le masculin et le féminin. Elle s’est illustrée par son éloquence et son aisance à se mouvoir dans l’espace relativement restreint. Le micro à sa bouche lui a été particulièrement favorable. De son côté, Dominick Rustam n’a pas eu la même fluidité d’élocution et son micro à lui ne semblait pas aussi bien porté. Parmi les autres membres de la distribution, mentionnons Marcel Pomerlo dans le double rôle de la Reine et de l’archiduc. Son talent comique a fait des merveilles, au point même de voler le show.
Le vaste répertoire musical, du baroque au contemporain en passant par le classique et le romantique, correspondait aux différentes époques traversées par Orlando. Il nous a donné l’occasion d’entendre l’OM dans des musiques qui ne font pas habituellement partie de sa programmation. Dans les deux extraits de Musique pour les feux d’artifice royaux de Haendel, on aurait aimé que Mme Woo fasse davantage ressortir les cuivres car, en de pareilles circonstances, ce sont eux qui jouent les premiers rôles.
Dans l’ensemble, la cheffe a eu une gestuelle très élégante et une battue limpide, mais celle-ci était faite dans le style allemand, avec un bon temps d’avance sur la musique éxécutée, ce qui ne passa pas inaperçu. De plus, cette trop belle direction ne donnait pas grande indication sur l’intention dramatique souhaitée. Résultat, une interprétation manquant parfois de vivacité.
De toutes ces musiques, on a apprécié l’inventivité et l’abondance des thèmes de The Wreckers d’Ethel Smyth, qui servait parfaitement bien la pièce de théâtre. À noter aussi le Concerto pour violoncelle de Nathalie Joachim, intitulé Had To Be et présenté en première canadienne. Le choix de placer cette œuvre à la fin du programme, telle une appendice, a certes réaffirmé le caractère musical de l’événement, mais il a fait quelque peu retomber l’émotion suscitée par la pièce de théâtre.
On n’en a pas moins apprécié le dernier mouvement marqué par l’interaction nourri entre l’instrument solo et le métallophone, chez les percussions. À l’oreille, le violoncelle de Seth Parker Woods semblait légèrement amplifié, mais la vraie surprise est venue du son très rock dans le registre supérieur de l’instrument. Pour ce faire, l’interprète appliquait une pression additionnelle sur les cordes, ce qui jouait inévitablement sur le timbre et rejoignait, d’une certaine manière, l’esprit postmoderne de l’œuvre déjà observé dans les accents jazz du mouvement central.
Pour consulter les prochains concerts de l’Orchestre Métropolitain: https://orchestremetropolitain.com/fr/saisons/2024-2025/