Déjà en octobre 2021, au lendemain de sa retraite annoncée à la tête de la Société de musique contemporaine du Québec, Walter Boudreau confiait auprès de la Scena musicale qu’il était en train de travailler sur une nouvelle version de son magnum opus, Golgot(h)a. Créée pour la première fois en 1990, au début de son mandat de directeur artistique de la SMCQ, l’œuvre devait être présentée dans le cadre du prochain festival MNM 2023, comme une sorte d’alpha et d’oméga de l’engagement du compositeur dans le domaine de la création musicale.
C’est désormais chose faite. Walter Boudreau, qui se fait extrêmement rare depuis le début de la pandémie, avait revêtu son costume traditionnel bien à lui avec notamment ses baskets rouges et son t-shirt noir de la SMCQ. Ce dimanche 26 février, à la salle Pierre-Mercure, la concentration du chef était à son comble. De toute évidence, nous assistions à un moment solennel, renforcé par le caractère religieux de Golgot(h)a et ses références autobiographiques cachées. Dans les notes de programme, le compositeur révèle en effet différents éléments de son « bestiaire historico-culturel » qu’il a choisi d’exprimer en musique : « le rituel de la messe catholique, les “gothiques” sœurs de la Congrégation Notre-Dame (les “cabanes à moineaux”) avec qui j’ai a eu mes premières leçons de piano, le péché (de la chair…) avoué (les dents serrées) au confessionnal, le transcendant chant choral religieux, la peur de la damnation éternel (l’Enfer), le plaisir sexuel, l’extase artistique, les films de gladiateurs et quoi d’autre encore! Mais par-dessus tout, on y trouvera peut-être ma profonde réalité “québécoise”, témoignage affectueux à cette symphonie des sons qui ont peuplé et stimulé mes oreilles curieuses durant toute ma jeunesse et qui me hantent encore. »
M. Boudreau dirigeait d’une main ferme les sections de cuivres et de percussions de l’ensemble de la SMCQ ainsi que le chœur de l’église Saint Andrew & Saint Paul. Il était joint par la soprano Virginie Mongeau, la mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau et un récitant qui souhaitait garder l’anonymat sous son imperméable et son chapeau noirs (un costume digne de thrillers américains des années 1950). Il s’agissait en réalité de Cristian Gort, chef régulier de l’ensemble de la SMCQ et homme aux multiples talents. La puissance et l’intensité de sa prestation restituaient parfaitement les poèmes de Raôul Duguay (présent dans le public) et honoraient l’œuvre dans toute sa magnitude.
On peut seulement regretter la surabondance de microphones de sorte que tous les instruments de l’orchestre étaient propulsés à l’avant-plan et faisaient malheureusement ombrage à la parole et au chant. Dans Tradiderunt me in manus impiorum (c. 1585) de Tomás Luis de Victoria, œuvre a capella pour chœur qui a servi d’inspiration à Walter Boudreau, les voix étaient également amplifiées. Un choix qui n’apparaissait pas nécessaire, au vu du contexte. À cela s’ajoutait le fait que les choristes étaient à une distance anormalement grande de Christian Gort, à la direction (plus d’une dizaine de mètres).
Le programme, intelligemment conçu, s’ouvrait sur une pièce de Claude Vivier pour orgue solo, Les Communiantes (1977), et nous plongeait d’emblée dans une atmosphère mystique. L’interprète, Jean-Willy Kunz, a su bien mettre en valeur les deux entités musicales complémentaires qui semblaient être suggérés par le compositeur, l’une énergique, saccadée, désordonnée, et l’autre, plus lente, sereine, généreuse par ses harmonies.
Pour toute la programmation du festival M/NM du 23 février au 5 mars, visiter https://smcq.qc.ca/mnm/en/2023/prog/concert