Parmi les compositeurs mis à l’honneur dans la série des concerts-portraits de la Société de musique contemporaine du Québec, André Hamel était le premier en ordre chronologique. Le concert d’ouverture, qui avait lieu le 26 septembre à la salle Pierre-Mercure, était l’occasion de découvrir son univers musical, marqué par une recherche de spatialisation, avec ou sans amplification électrique, et par toute une série de dispositifs qui visent à modifier la perception du son, soit par la mise en espace des musiciens, soit par la multiplication des interférences sonores, soit par une combinaison des deux.
Au programme, cinq œuvres du compositeur dont deux de grande envergure, composées pour quinze musiciens ou plus. Celles-ci ont été conçues comme des œuvres de spatialisation tandis que les trois autres recevaient un effet de spatialisation au moment de leur diffusion grâce à des haut-parleurs placés sur la scène et dans la salle.
La première était la plus “classique” des cinq. Composée en 1984 pour violon et piano, elle était agrémentée sur scène par un simple retour sonore de la violoniste Anne-Claude Hamel-Beauchamp, fille du compositeur, et de la pianiste Louise-Andrée Baril. Malgré cette économie de moyens, on retrouvait l’effet d’une dissociation sonore chère à André Hamel et créée notamment ici par l’alternance entre des harmoniques et des notes pleines jouées au violon.
Véritable pièce de résistance, la deuxième œuvre, In Auditorium (1998), nous a frappé par son attrayante modernité. Une pièce psychédélique, tellement bouillante d’idées qu’elle ferait aimer la musique contemporaine à n’importe qui. Parmi ces trouvailles, il y a par exemple le son émis par des instruments à vents sur la scène, repris et prolongé par d’autres instrumentistes à vents placés sur les hauteurs, au niveau du balcon.
Par ailleurs, le style de direction était des plus atypiques. Il arrivait que le chef Cristian Gort ne dirige pas du tout, laissant aux musiciens le soin de faire leurs entrées, ou qu’il dirige avec ses dix doigts, indiquant une suite de chiffres que seuls les musiciens pouvaient comprendre. Le fait que certains musiciens quittent la scène avant même que la pièce soit terminée est une autre originalité à mettre au crédit d’André Hamel. Elle nous rappelait les derniers instants de la Symphonie no 45 de Haydn, où l’orchestre se vide peu à peu de ses membres. Pas étonnant, donc, que In Auditorium se voit vu décerner le Prix Opus de la création de l’année 1998.
La dernière œuvre du programme, L’être et la réminiscence (2017), reprenait cette idée de faire entrer et sortir les musiciens, mais de manière plus insistante. Parmi les moments marquants de cette œuvre, l’arrivée fracassante de la pianiste sur scène, en mode “je dois répéter”, ou encore, un peu plus tard, l’entrée discrète d’un positif. Celui-ci tenait une note pendant que les autres instruments, dispersés dans la salle, jouaient leurs propres lignes et créaient de la friction, note contre note.
Il y avait certes beaucoup d’éléments de modernité qui attirent et éveillent la curiosité, mais aussi des moments presque insoutenables, tant la limite de l’acoustiquement tolérable semblait avoir été franchie. Le bruit du verre frappé, au début de L’être et la réminiscence, la saturation du son des saxophones du quatuor Quasar, dans Brumes matinales et textures urbaines (2007), les vibrations assourdissantes des haut-parleurs, dans Intérieur nuit (2006), ont nui considérablement à la fois à l’expérience du concert et à l’appréciation des œuvres. On s’étonne même que le public n’ait pas été prévenu. Idem pour le court-métrage de 2006, dans le registre de l’horreur, pour lequel André Hamel a composé la musique. On imagine très mal un jeune public devant de telles images.
Un dernier mot sur les vidéos réalisées par Sylvain Marotte et projetées sur grand écran le reste du temps. Les images de mains en mouvement, qui semblent être une obsession chez le vidéaste, n’ont presque rien apporté. Pire, elles ont parasité l’écoute de Pièce pour violon et piano et Brumes matinales. Seules les images de planètes et autres sphères dans l’espace ainsi que de substances visqueuses nous ont paru bien adaptées à l’atmosphère psychédélique d’In Auditorium.