Bernard Labadie a dirigé Le Messie de Handel autant de fois que le nombre d’années au compteur des Violons du Roy ! En d’autres circonstances, on serait certainement lassé d’entendre cette œuvre infatigable du temps des fêtes, mais pas quand il s’agit de l’orchestre de chambre de Québec.
L’expertise des musiciens et de leur chef pour le répertoire baroque ont nécessairement contribué à la qualité de l’expérience musicale, mais c’est avant tout leurs talents individuels et leur goût musical qui ont marqué cette interprétation du Messie. Lors du concert montréalais, le 14 décembre à la Maison symphonique, chaque air semblait avoir été accompagné par une couleur orchestrale qui lui était propre.
Les premiers violons ont joué ici un rôle prépondérant, façonnant leur son à la manière de véritables sculpteurs. Ce travail d’orfèvre a été particulièrement remarqué dans He was despised, un air qui, malgré ses longueurs, gardait une fraîcheur incomparable grâce notamment au dialogue dynamique entre le violon solo et le contre-ténor Iestyn Davies. Dans Thou Shalt Break Them, les instrumentistes ont parfaitement mis en lumière le motif persistant des demi-tons, renforçant ainsi la ligne dramatique, héroïque, de la partie de ténor chantée avec cœur et générosité par Andrew Haji.
Bernard Labadie a su faire ressortir du Messie toutes les qualités d’un « opéra sacré », pour reprendre les mots qu’il avait lui-même employés dans une entrevue au sujet de l’oratorio. Sous son impulsion, la deuxième partie de l’œuvre revêtait un caractère plus passionné que jamais. Les sopranos de la Chapelle de Québec ont répondu de la plus belle des façons par un son riche et puissant, en parfaite osmose avec le timbre velouté de la soliste Liv Redpath.
Cela dit, la prestation du chœur dans son ensemble nous a laissé quelques regrets. Le nombre relativement restreint de 29 chanteurs n’a pas semblé suffisant lors de certains numéros. Dans le Amen, la ligne des basses a été enterrée par celle des contrebasses et des violoncelles. Côté artistique également, le surnombre de ténors légers a eu une incidence sur la couleur de la section, pas aussi équilibrée et charnue que d’habitude. Dans le célèbre Hallelujah, on s’étonne même que certains aient forcé la note dans un moment aussi solennel.
Parmi les solistes, on ne peut avoir que des éloges pour la basse William Thomas. Ses aigus maîtrisés et ses graves généreux faisaient de lui un candidat parfait pour le rôle. Et que dire de ses vocalises ! Why do the nations, que beaucoup choisissent d’ignorer tant l’air est difficile techniquement, a été très bien rendu par l’interprète britannique. Son compatriote, Iestyn Davies, a eu beaucoup plus de difficulté dans son registre grave, essentiellement à cause de la tessiture vocale qui favorise davantage les altos. Néanmoins, l’artiste n’a cessé d’offrir un son nourri et une conduite de voix tout en clarté, des qualités que l’on aurait aimé entendre plus de la part de la soprano.