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3.8
Lionel Daunais: mélodies – songs
Marc Bourdeau, piano et arrangements, Pierre Rancourt, baryton, Jacqueline Woodley, soprano, Annina Haug, mezzo-soprano, Michel Bellavance, flûte.
Centredisques, 2022
Sous l’impulsion du pianiste et arrangeur Marc Bourdeau, un nouvel album consacré au répertoire musical de Lionel Daunais vient de paraître chez Centredisques. Plusieurs mélodies de ce compositeur québécois, né en 1901 et mort en 1982, sont ici représentées. Le baryton Pierre Rancourt, la soprano Jacqueline Woodley et la mezzo-soprano Annina Haug alternent entre solos, duos et trios dans un mélange de chansons tantôt romantiques, tantôt tristes ou mélancoliques, tantôt humoristiques. À la fois chanteur, compositeur, parolier, metteur en scène, Lionel Daunais s’était volontiers éloigné du caractère sérieux de l’opéra en fondant notamment les Variétés lyriques avec Charles Goulet en 1936, une compagnie spécialisée dans la production d’opérettes. En même temps, plusieurs de ses mélodies sont imprégnées du style impressionniste du début du XXe siècle. C’est donc plusieurs genres, à l’image de son parcours musical, que l’on retrouve sur cet album. Les 27 pièces proposées par Marc Bourdeau sont bien équilibrées. Elles donnent à chaque interprète l’occasion de s’illustrer à tour de rôle avec toutefois un léger avantage à Pierre Rancourt. Pas étonnant quand on pense que Lionel Daunais écrivait pour sa propre voix de baryton.
En nous faisant redécouvrir un compositeur aujourd’hui méconnu, l’album nous ramène à une certaine époque dans l’histoire musicale du Québec. Ne serait-ce que pour sa valeur patrimoniale, il était important que cet album voit le jour. C’est au niveau de l’exécution que l’on a quelques réserves. Dans leur registre respectif, Jacqueline Woodley et Annina Haug ont de très belles voix lyriques et elles font indéniablement preuve d’une solide technique vocale. Bien qu’il ait lui aussi une formation dite “classique”, Pierre Rancourt choisit plutôt de chanter dans un style de chansonnier à la frontière du lyrique (ou inversement). Ce faisant, il est certainement plus proche de l’esprit dans lequel la plupart de ces mélodies étaient écrites. Néanmoins, lorsque le chant devient un récitatif presque parlé à la manière des opérettes, on remarque que le baryton perd en justesse. Dans l’aigu, il opte souvent pour une voix pleine alors qu’une voix mixte lui aurait peut-être permis de moins plafonner tout en gardant la même fraîcheur. Cela dit, il crée avec ses partenaires de disque une bien belle alchimie dans les duos et les trios.
La qualité des paroles est inégale. Certaines sont un peu simplistes quand d’autres sont inutilement compliquées à comprendre. Malgré tout, il faut reconnaître le talent de mélodiste de Daunais. Ses chansons sont autant de vers d’oreille qui nous accompagnent assez longtemps après une seule écoute. Parmi nos préférées, “À ma cousine”, pour la diction impeccable de Pierre Rancourt, “À quoi bon rêver”, pour le lyrisme de Jacqueline Woodley et son duo avec le flûtiste Michel Bellavance, “Le cercle de couture” pour les dialogues désopilants à trois voix et “L’amour de moi” pour les harmonies impressionnistes.