Le 20 mars dernier, à la Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours un trio vocal masculin emmené par le haute-contre Jean-François Daignault présentait une sélection de pièces du Moyen-Âge, par des troubadours pour l’essentiel anonymes. En compagnie de Kerry Bursey et Pierre-Alexandre Saint-Yves, l’artiste aux multiples talents et instruments a guidé le public dans un répertoire insolite, non seulement en musique, mais par la narration d’un conte médiéval en plusieurs parties, intitulé Les Deus Amanz. Pour M. Daignault, il était important de faire honneur à une femme, une poétesse du Moyen-Âge – en l’occurrence Marie de France – pour pallier l’absence de figures féminines.
L’intrigue du récit est le suivant : Après plusieurs refus, le roi du Val de Pîtres se résout enfin à marier sa fille, réputée de par le royaume pour sa beauté et son esprit. Il décide de soumettre les prétendants à une épreuve : seul celui qui arrivera à porter sa fille hors de la ville jusqu’au sommet de la montagne sans se reposer pourra l’épouser. Les prétendants affluent, mais échouent l’un après l’autre, si bien que plus personne ne demande sa main. Nouvellement arrivé au château, un jeune conte s’éprend lui aussi de la fille du roi. Leur amour devient bientôt réciproque. Il est, cependant, bien trop frêle pour réussir l’épreuve. La fille demande alors à une tante de concocter un philtre capable de fortifier son amant. Ce dernier gravit rapidement la pente. Emporté par son élan et son amour, il se sent pousser des ailes et refuse de prendre la potion. Il arrive au sommet sans s’arrêter, mais y meurt d’épuisement. Remplie de désespoir, la jeune femme jette la potion en contrebas, celle-ci se répandant alors sur l’herbe et donnant naissance à des fleurs majestueuses. La belle demoiselle meurt à son tour de chagrin, aux côtés de son amant. Plus tard, on décide d’enterrer les deux amants au sommet de la montagne et de nommer le lieu la « Côte des Deux-Amants. »
Par son excellente diction et le ton enjoué qu’il y mettait, Jean-François Daigneault a su maintenir l’intérêt à chaque nouvel épisode de cette histoire racontée. L’approche poétique comme expression du sentiment amoureux enrichissait aussi très bien le concept de ce spectacle intitulé Ars amoris ou l’art d’aimer. Paradoxalement, le volet musical n’a pas été explicité avec autant de verve par le musicien. Une présentation succincte de chaque pièce ou groupe de pièces aurait permis de rendre le programme plus compréhensible et de mieux préparer les auditeurs à ce qu’ils s’apprêtaient à entendre.
Parlant de musique, le public avait en face de lui trois voix « hautes » aux timbres très différents : la voix de fausset de M. Daignault, juste, mais qui a parfois manqué de finesse, la voix plus folk de Pierre-Alexandre Saint-Yves, que l’on avait adorée dans Baratins d’marins, mais qui ici correspondait plus ou moins au caractère médiéval, et enfin la voix riche et travaillée de Kerry Bursey, en osmose totale avec le répertoire des troubadours. Cet artiste complet a aussi grandement contribué à la qualité du spectacle par ses nombreux accompagnements au luth.
Depuis plusieurs années, les membres de la compagnie La Nef se montrent prolifiques en concerts et en parutions de disques. Ce programme pourrait justement servir de base à un album-concept avec, pourquoi pas, quelques extraits de poésie. Le spectacle de mercredi a, en tous cas, donné envie d’en entendre davantage!
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