Cinéspectacle : Opéra, ballet et théâtre dans les cinémas indépendants

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Pour la sixième année consécutive, le cinéma Beaubien, conjointement avec les cinémas du Parc et du Musée, fait partie des diffuseurs de la saison CINÉSPECTACLE. Au programme, dix-huit productions d’opéra, de ballet et de théâtre retransmises non seulement à Montréal, grâce à ces trois cinémas, mais aussi à Québec, Gatineau, Sherbrooke et Lac-Mégantic. Les spectateurs ont ainsi l’impression d’être au cœur de salles de spectacle parmi les plus prestigieuses au monde : l’Opéra de Paris, l’Opéra de Londres, les Arènes de Vérone ou encore le Grand théâtre du Liceu de Barcelone. Le choix de diffuser ces productions répondait à une nouvelle réalité du marché, mais aussi à une demande du public : « Le Métropolitan Opera de New York avait commencé à présenter ses spectacles dans certains Cinéplex seulement, rappelle Mario Fortin, directeur général des Cinémas Beaubien, du Parc et du Musée. Leur plan de mise en marché était brillant, selon moi. Ils ont agrandi leur territoire tranquillement, ce qui leur a permis de créer une demande auprès du public. Le Met a tellement bien réussi que des gens nous ont demandé aussi de présenter des opéras, des ballets ou du théâtre. Mais les Cinéplex voulaient garder leur grosse part du gâteau, comme on dit. J’ai été en contact avec FRA Cinéma, distributeur des spectacles de l’Opéra de Paris qui diffusait déjà dans certaines salles de cinéma en France. L’occasion s’est présentée alors nous sommes allés de l’avant. Il y a eu un bon accueil. Depuis, nous avons augmenté notre réseau de fournisseurs en allant chercher des spectacles de l’Opéra de Londres, du Royal Opera House et du Royal Ballet. Six ans plus tard, cela fonctionne très, très bien. C’est un marché qui est en évolution constante, lente, mais constante. »

La Scena Musicale a pu assister à une projection de La Traviata, depuis le Palais Garnier. À la manière de ce que fait le Met dans sa série Met Live in HD, un animateur raconte l’histoire de l’opéra, prépare les spectateurs avant l’écoute de chaque acte et interroge plusieurs acteurs de la production : le metteur en scène, d’abord, suivi des chanteurs principaux. L’occasion aussi de découvrir des décors somptueux et des interprètes parmi les plus en vue aujourd’hui. Tout cela à quelques kilomètres de chez soi !

Répondre aux attentes du public

Il n’existe pas d’autres salles de cinéma de ce type sur l’île de Montréal. Aujourd’hui, les cinémas Beaubien et du Parc, dont la taille est sans commune mesure avec les Cinéplex et les Guzzo, continuent de faire le bonheur des cinéphiles. Plus récemment, le Cinéma du Musée s’est ajouté à la liste de ces salles indépendantes, administrées par une seule et même équipe. Trois cinémas, donc, et trois programmations différentes : une prédominance de films en français au Beaubien, une majorité de films en anglais au Cinéma du Parc et une programmation équilibrée au Cinéma du Musée.

Mario Fortin est attaché à leur spécificité : « Puisque toutes les superproductions américaines sont à l’affiche dans les grandes chaînes, nous allons plutôt chercher des films peut-être plus modestes, mais souvent meilleurs, qui sont aussi moins diffusés. Nous nous spécialisons dans ce répertoire, ce qui nous donne accès à un marché différent. » Attention, toutefois, à ne pas mettre ses œufs dans le même panier. « Il faut équilibrer nos présentations avec des films un peu plus populaires, plus porteurs en termes de ventes, pour pouvoir prendre des risques sur des films plus difficiles, plus pointus. Cet équilibre nous permet de répondre aux besoins d’un plus grand public ».

Cela fait certainement partie des ingrédients du succès du cinéma Beaubien, en particulier. Et pour preuve : seulement 25 % des personnes qui fréquentent l’établissement habitent dans le quartier Rosemont. « Comme nous présentons des films qui, souvent, ne sont présentés nulle part ailleurs, nous accueillons des gens qui habitent à Longueuil ou à Saint-Jérôme, des gens de l’extérieur de Montréal. Près de 1 % de notre clientèle habite même à plus de 75 kilomètres du cinéma. C’est un lieu de destination privilégié pour les amateurs. De la même manière, des spectateurs venant parfois de loin se déplacent jusqu’à la salle Wilfrid-Pelletier pour assister à une production de l’Opéra de Montréal. »

S’ENGAGER dans la communauté

En tant que diffuseurs de culture, les cinémas Beaubien, du Parc et du Musée ont su se rendre indispensables. Ils représentent, de plus, un modèle d’entreprise basé sur ce qu’on appelle « l’économie sociale ». Cela signifie concrètement qu’il n’y a pas d’enrichissement personnel et que des citoyens sont actifs au sein même de leur organisation. Mario Fortin explique à propos du cinéma Beaubien : « Le conseil d’administration est constitué de résidants des alentours du cinéma, de professionnels du milieu et de spécialistes (comptables, avocats). Ils se soucient de garder l’entreprise en bonne santé, sans enrichir un propriétaire en particulier. Dans les bonnes années, par exemple, nous investissons l’argent directement dans l’entreprise. Nous organisons des visionnements gratuits pendant l’été pour les jeunes familles. Nous faisons des activités avec les écoles du quartier ou en collaboration avec l’association des commerçants de la rue Beaubien, qui sont nos voisins. »

Les salles de cinéma indépendantes ont encore un bel avenir devant elles. L’amélioration continue des captations de spectacles et le secteur de l’événementiel, dans son ensemble, représentent une opportunité pour leur développement. « C’est la culture qui trouve de nouveaux débouchés », estime Mario Fortin.

www.cinemabeaubien.com; cinemaduparc.com; cinemadumusee.comcinespectacle.com

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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