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Après un album consacré aux concertos pour piano de Jacques Hétu, qui lui a d’ailleurs valu une nomination aux prix Juno 2021, Jean-Philippe Sylvestre nous revient avec un nouvel enregistrement paru chez ATMA classique. Ce virtuose du piano, que l’on connaissait déjà sur disque grâce notamment à ses interprétations d’André Mathieu et de Rachmaninov, fait ici sa première incursion dans l’univers musical de Ravel.
La genèse du projet
« Étant donné qu’on avait à notre disposition un piano Érard, que j’aime vraiment beaucoup, je me suis dit qu’il fallait que je l’utilise. J’ai appelé Johanne Goyette d’ATMA, j’en ai parlé à mon mécène [Jacques Marchand, qui, de plus, a acquis ce piano en 2018] et je leur ai exposé le projet. On a quelque chose qui sort de l’ordinaire, qui n’a jamais été fait et je trouve ça stimulant. C’est aussi un plaisir pour moi de penser que je joue du répertoire français sur un piano français », confie-t-il. Au programme de cet album consacré à Ravel, des pièces composées spécifiquement pour le piano, comme la suite Miroirs, et des oeuvres dont la version pour orchestre est plus connue que l’originale au piano, comme la Pavane pour une infante défunte ou Le Tombeau de Couperin.
Musique et peinture
Jean-Philippe Sylvestre est un pianiste qui aime tisser des liens entre les arts. La musique de Ravel évoque en lui des images et des tableaux impressionnistes qui l’inspirent en tant qu’interprète et enrichissent sa compréhension des œuvres. « Chaque fois que je joue du Ravel, du Debussy, du Fauré, j’imagine une peinture, comme Les Nymphéas de Monet quand j’interprète “Une barque sur l’océan”, extrait de Miroirs de Ravel. Je me suis inspiré de peintures, mais aussi de la version orchestrale de plusieurs morceaux. Ce sont des œuvres pour piano que Ravel a lui-même orchestrées par la suite. On entend des timbres de flûte, on entend des mouvements que j’ai essayé de recréer au piano pour donner le même effet », explique- t-il. Parmi ses sources d’inspiration figure également la célèbre toile intitulée Impression. Soleil levant, dont on dit qu’elle a mené à l’appellation « impressionnisme ».
L’instrument comme moyen d’expression
Afin de mettre en œuvre toutes ses idées, Jean-Philippe Sylvestre a pu compter sur un piano Érard de 1854. Il avait eu la chance d’apprivoiser l’instrument lors d’un de ses passages à Paris en 2018, au moment où l’atelier de la maison Nebout & Hamm était chargé de sa restauration. « Cet Érard a été fait peu de temps seulement avant que les pièces de cet album soient composées. C’est un piano très sensible, fragile et capricieux, mais dans le bon sens du terme. Les notes ne sonnent pas toutes de la même manière. Ça m’a donné une palette de sons à l’infini et m’a permis d’aller chercher des couleurs inattendues qu’on n’a plus l’habitude d’entendre de nos jours. On cherche toujours la perfection, comme sur les pianos modernes, mais je me rends compte de plus en plus qu’il y a aussi de la beauté à trouver dans l’imperfection. » Les sonorités de cet Érard sont peut-être imparfaites, mais d’après lui, elles donnent un charme et une âme à la musique de cette même époque.
Sylvestre cherche non seulement à restituer des images et des impressions dignes des peintures de Monet, Pissarro ou encore Cézanne, mais aussi à faire ressortir toute l’influence baroque présente dans les œuvres de Ravel. C’est notamment le cas du Tombeau de Couperin avec ses mouvements, y compris de danses, qui rappellent cette période : prélude, fugue, forlane, rigaudon, menuet et toccate. « Je suis un amoureux de Bach et de la période baroque. Je joue aussi beaucoup au clavecin. Justement, sur cet album, mon approche était très “clavecin”. Il y a des passages qui sonnent plus détachés, staccato, et c’est volontaire », précise-t-il. Encore une fois, Jean-Philippe Sylvestre a exploité au mieux les qualités uniques du piano Érard pour atteindre l’effet qu’il recherchait. Certaines de ces qualités rappellent celles d’un clavecin. « Les cordes de ce piano sont en parallèle et non en croisé comme sur les pianos modernes. Quand on joue une note, on peut attendre longtemps avant que le son disparaisse complètement. Ça donne une autre dimension. En même temps, l’attaque est plus détachée. »
Prochains concerts à suivre
En raison de la pandémie, plusieurs événements à l’agenda du pianiste ont dû être reportés, comme ses séances d’enregistrement avec l’Orchestre symphonique de Londres. Avec la réouverture des salles de spectacles au Québec, à partir du 26 mars, l’horizon s’éclaircit un peu plus de ce côté-ci de l’Atlantique. Jean-Philippe Sylvestre prévoit deux récitals à Sorel et à Warwick, respectivement les 10 et 11 avril, et un concert avec l’Orchestre classique de Montréal, le 27 avril, où il interprétera le concerto no 23 de Mozart. En septembre, il se joindra à l’Orchestre symphonique de Laval pour jouer le célèbre concerto no 3 de Rachmaninov. « Au pire, les concerts seront filmés sans public, ce qui est une situation difficile, estime Jean-Philippe Sylvestre. L’art, c’est de la communication. On se donne le plus possible lorsqu’on est en concert et, en retour, on reçoit de l’énergie du public. »
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