Étudier la musique en ce moment ?

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La musique ne cessera pas d’exister à cause d’une pandémie. Ce dont nous avons été témoins ces derniers mois le prouve. Il y a eu une affluence sans précédent de musique sur les réseaux sociaux et une soif de faire et d’écouter de la musique. En quelque sorte, le fait de ne pas pouvoir faire et partager de la musique par le biais des concerts a mis en évidence l’importance de la musique pour nous. Pour Jean-François Rivest, chef d’orchestre et éducateur, ce que nous vivons aujourd’hui n’est qu’un revers temporaire, une période difficile qui met à l’épreuve la communauté musicale à l’échelle mondiale. « La musique relie le passé au futur, dit-il. Elle est un catalyseur du rôle même de la tradition. La tradition n’est pas seulement un drôle de mot démodé, mais elle a toujours été un tremplin qui nous permet de nous
projeter dans l’avenir à partir du passé, et la musique est un véhicule pour y parvenir. »

La musique est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie humaine. Pour faire cette musique, nous avons besoin de professionnels, nous avons besoin de personnes qui continuent à transmettre cet héritage à ceux qui créeront la musique de demain. Pour Nathalie Fernando, doyenne de la faculté de musique de l’Université de Montréal, la pandémie ne peut pas remettre en cause l’importance de la relation que nous entretenons avec la musique. « Il n’y a pas une société dans le monde qui n’ait pas ce lien émotionnel, presque spirituel, avec la musique, dit-elle. Les gens auront toujours besoin de la musique, elle fait partie de l’être humain. C’est un fait que le secteur est extrêmement touché économiquement, mais la relation humaine que nous avons avec la musique n’a pas changé, et s’est même développée. C’est un argument de poids pour ne pas renoncer à étudier la musique. Il suffit de mettre un peu la tête au-dessus des nuages, de regarder vers l’avenir et de continuer à y croire. »

Les étudiants ont choisi de revenir. « Ils ne se sont pas demandé si c’était la bonne chose à faire, déclare Brenda Ravenscroft, doyenne de l’École de musique Schulich de l’Université McGill. Ils ont accepté le fait que ce n’est pas parfait pour le moment et c’est tout de même ce qu’ils veulent faire. Cela nous dit quelque chose. » Quant à Betty Anne Younker, doyenne de la faculté de musique Don Wright de l’Université Western, elle constate que l’engagement des étudiants dans le domaine de la musique n’a pas diminué. « Ils cherchent des moyens de s’engager dans la musique comme ils le peuvent. On leur donne la possibilité de travailler différemment avec certains aspects de la musique et d’être créatifs. » Pour André Cayer, directeur de l’École de musique de l’Université de Sherbrooke, cette crise pourrait même permettre aux étudiants de mieux s’adapter aux changements futurs.

La pandémie a remis en question notre façon habituelle de faire les choses. Les écoles et les universités ont été obligées d’examiner de plus près comment elles formaient les étudiants et les préparaient au monde réel – un monde qui, nous le savons maintenant, peut changer radicalement et rapidement. « Cela remet en question tout ce que nous faisons, expose Patrick Carrabré, directeur de l’École de musique de l’Université de Colombie-Britannique, et ça ne peut qu’approfondir notre compréhension. Cela met en évidence les failles de nos systèmes et nous encourage à expérimenter et à essayer de trouver ce qui pourrait être une bonne expérience musicale dans ce monde. »

« Il s’agit en quelque sorte d’une clarification, ajoute Ravenscroft. Nous ne devons pas prétendre que tout va bien parce que ce n’est pas le cas, mais en même temps, il y a toutes sortes de choses intéressantes et positives qui ressortent de cette situation. » Elle rappelle également qu’étudier la musique a toujours été bien plus qu’une question de compétences musicales à acquérir. « Une partie importante de l’étude de la musique, c’est que vous y venez parce que vous aimez votre instrument, mais ce que vous gagnez en formation va plus loin que le simple fait de jouer de votre instrument. La communication, la résolution de problèmes, le leadership, la concentration, la résilience, le dévouement, ce sont toutes des compétences transférables que l’on acquiert en pratiquant son instrument et en travaillant pour atteindre un objectif sur une très longue période. »

Travailler, étudier et se produire de la maison, ce n’est pas incompatible avec la volonté de faire progresser l’aspect transformateur de la musique sur la société et les relations humaines. Les étudiants et le corps enseignant de l’école Glenn Gould du Royal Conservatory of Music de Toronto se trouvent inspirés par Gould, le célèbre pianiste canadien, qui a exploré les frontières de la pratique du concert à travers la technologie et le multimédia.

Pour revenir à la question centrale, si par « valoir la peine » nous entendons que c’est pratique et simple, alors non, cela ne vaut pas la peine d’étudier la musique en ce moment. Mais cela a-t-il jamais été la chose la plus pratique à faire ? Vous êtes un musicien ou vous ne l’êtes pas, ce n’est pas un choix, c’est quelque chose qui ne peut être ignoré. Personne ne sait quelles seront les conséquences de la situation actuelle dans cinq ou dix ans, mais il n’y a aucune raison de ne pas espérer pour l’avenir.

Si tout le monde s’accorde à dire que la situation est dévastatrice pour les artistes indépendants et effrayante pour les organisations artistiques, nombreux sont ceux dans le secteur qui prédisent que de bonnes choses peuvent en ressortir. « Ce que la COVID a fait, c’est qu’elle a amené cet échéancier pour un changement absolu à aujourd’hui », explique Tricia Baldwin, directrice du Isabel Bader Centre for the Performing Arts de l’Université Queen’s. « Le dénouement dépendra de l’urgence que nous avons, individuellement et collectivement, à traverser cette période. » L’homme a toujours utilisé les difficultés de son cheminement pour se transcender. Il y a toujours eu des
difficultés. Les difficultés amènent les gens à inventer, à être créatifs et à trouver des solutions. En réalité, la prise de conscience que nous ne pouvons pas tenir la musique pour acquise fera de nous de meilleurs
musiciens, enseignants et étudiants.

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