Élections fédérales 2019 : les enjeux concernant la culture et les médias

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La taxation des géants du web, le financement des principales institutions culturelles, la révision de la Loi sur la radiodiffusion et les télécommunications, la réduction des exceptions de la Loi sur le droit d’auteur, etc. Ce sont, entre autres, les principales questions liées à la culture qui reviennent dans les débats à l’occasion de la campagne électorale fédérale en vue du scrutin du 21 octobre. De leur côté, les regroupements d’artistes, les gens de la culture et les médias s’activent pour faire entendre leurs revendications et interpeller les partis en lice autour des enjeux dans leurs secteurs.

Comme à son habitude, l’organisme Culture Montréal, en partenariat avec le département de communication de l’Université de Montréal, le Pôle médias HEC Montréal et l’École des médias de l’UQAM, a organisé au Monument-National un grand débat autour du thème : Quelles devraient être les priorités du futur gouvernement canadien en matière de culture et des médias ?

L’éléphant dans la pièce

Ce débat a réuni des candidats représentant les principaux partis fédéraux : Pablo Rodriguez du Parti libéral (ministre de la Culture et du Patrimoine dans le gouvernement sortant), Gérard Deltell du Parti conservateur, Chu Anh Pham du Nouveau Parti démocratique (NPD), Pierre Nantel du Parti vert du Canada et Monique Pauzé du Bloc québécois (BQ).

Animé par Catherine Perrin de Radio-Canada, ce débat a été marqué par la question qui hante tous les esprits : la taxation des GAFA et autres géants du web. « C’est l’éléphant dans la pièce », dit l’animatrice. D’où la première question qui a fait l’unanimité des participants aux tables rondes et conférences qui ont précédé le débat avec les candidats des partis politiques : Avez-vous l’intention de soumettre les entreprises étrangères du numérique à la taxe de vente sur leurs services ?

Fini les passe-droits

Dans sa réponse, Pablo Rodriguez a rappelé le lancement de la révision de la loi sur la radiodiffusion et les télécommunications dont dépendra la suite. « Beaucoup de choses dépendent de la révision de cette loi. Un groupe d’experts se penche sur cette question et remettra son rapport en janvier prochain », dit-il. Selon lui, il faut qu’il y ait un seul système pour tout le monde. « Actuellement, il y a plusieurs systèmes différents et il y a des injustices », reconnaît-il. Il ajoute : « Les géants du web ont une responsabilité. Fini les passe-droits. On va légiférer pour que tout le monde contribue à la promotion de notre culture. » Il souligne, à ce propos, le maintien de l’exemption culturelle canadienne dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. Il a également mentionné que la taxation des chiffres d’affaires des GAFA, comme l’a fait la France, fait partie des mesures envisagées par son parti.

La campagne est encore jeune

Pour sa part, Gérard Deltell indique qu’il s’agit d’une situation mondiale qui n’est pas exclusive au Canada. « L’OMC se penche actuellement sur cette question », note-t-il. Il affirme que son parti ira de l’avant lorsque l’OMC aura statué à ce sujet. Il indique que son parti mesure les effets des actions prises par d’autres pays. Néanmoins, pour le représentant du Parti conservateur, la campagne électorale est encore jeune. « Il y a des annonces qui s’en viennent », promet-il.

Pour Chu Ahn Pham, le NPD est en faveur de la taxation des géants du numérique. D’après elle, l’argument selon lequel il faut attendre la révision de la loi sur la radiodiffusion ne tient pas. Elle rappelle que l’argument initial du PLC était d’éviter une augmentation du fardeau fiscal des Canadiens. « C’est un argumentaire complètement aberrant », dit-elle. Elle ajoute que Google et Facebook accaparent 70 % des publicités numériques. « En prélevant seulement une TPS de 5 %, on irait chercher quelque 200 millions $, estime-t-elle. C’est irréaliste de n’appliquer aucune taxe, aucun impôt ni sur les profits ni sur les revenus de ces géants. » La candidate néo-démocrate affirme que son parti est favorable à la mise en place d’un impôt sur les revenus des GAFA à l’instar de la France qui prélève une taxe de 3 %.

Photo : David Ospina

Oser le leadership

« On paie la TPS sur toutes sortes de produits, rappelle Pierre Nantel du Parti vert, mais pas sur un abonnement à Netflix. Une publicité sur Facebook ou Google n’est pas taxée. C’est inexcusable ! » Il reproche au gouvernement libéral de ne pas avoir fait preuve de leadership concernant l’imposition d’une taxe sur Netflix. Il cite l’exemple de la France qui se débat pour protéger sa culture. « On doit faire de même ici pour le Québec qui se démarque par sa consommation de sa propre production culturelle et artistique », croit-il. Il mentionne que selon les sondages, la majorité des émissions les plus écoutées au Québec sont québécoises. Il souligne que toute la culture et les médias québécois ont été fragilisés par l’inaction d’Ottawa et reproche au gouvernement libéral son laxisme.

Pour sa part, Monique Pauzé note que si Netflix et tous les géants du web sont exemptés de la TPS, cette taxe s’applique par contre sur les livres québécois francophones . « C’est une injustice ! » Cette candidate du Bloc québécois demande que la publicité sur le web soit taxée et propose la création d’un fonds dans lequel serait versé l’argent récolté par la taxation des géants du web et qui pourrait servir pour des contenus télévisuels, des séries web et pour soutenir les médias et ainsi compenser ceux qui sont victimes des géants du web. Mme Pauzé remarque que la culture québécoise francophone est invisible sur le net. Son parti propose la création d’un Conseil de radiodiffusion et des télécommunications québécois pour assurer le contrôle de la diffusion de la culture francophone québécoise.

La crise des médias en question

« Par ces temps-ci, le mot médias est toujours associé au mot crise », note Catherine Perrin avant de demander aux participants : « Est-ce que votre parti s’engage à maintenir et ajuster aux besoins l’aide annoncé par le précédent gouvernement pour les médias écrits plus spécifiquement ? » Elle rappelle à ce propos que 50 % des emplois dans les médias écrits ont été perdus depuis 2008.

Selon G. Deltell, « ce programme n’a fait que des malheureux : les exclus n’étaient pas contents et ceux qui ont reçu de l’aide trouvaient que ce n’était pas assez », explique-t-il. Il pense que le problème est encore plus complexe et qu’il n’y a pas de solutions simples.
« C’est un problème global, dit-il. Et si on doit aider les médias, on doit aider tous les médias de la presse papier, électronique, régionale et nationale. » Pour M. Deltell, l’industrie doit faire preuve d’autodiscipline. « Quand vous offrez gratuitement votre contenu sur le web et dites avoir un problème d’argent, regardez-vous dans le miroir ! Ne vous plaignez pas de manquer d’argent », reproche-t-il. À contrario, le candidat conservateur croit au bien-fondé du modèle d’affaires du quotidien Le Devoir. Il souligne que ce quotidien a réussi à recueillir plus de 2 millions $ de dons en quatre ans de la part des lecteurs qui le soutiennent et que 75 % de ses revenus proviennent des abonnements. Il mentionne aussi que Le Devoir permet un accès numérique gratuit mais limité à son contenu.

Les grandes oubliées

Signalons que lors de ce grand débat, la situation préoccupante dans les milieux de l’industrie cinématographique, étant donné l’insuffisance chronique des budgets alloués à Téléfilm Canada et à l’ONF, a aussi été abordée. Les représentants du milieu du livre n’ont pas manqué ce rendez-vous électoral très important pour pointer les lacunes dans la loi actuelle sur le droit d’auteur marquée par les nombreuses exemptions qui bénéficient aux plateformes numériques et qu’il faudra limiter dans une future révision de cette loi. Cette révision est revendiquée également par les médias qui demandent que cette loi soit élargie aux journalistes et aux autres créateurs de contenus qui sont repris sur les plateformes numériques sans recevoir aucune compensation.

Reste à signaler le peu de place accordé aux arts vivants et aux programmes de circulation des artistes lors de ce débat sur les défis que pose la déferlante numérique, ce que des personnes présentes n’ont pas manqué de souligner. À ce propos, Pablo Rodriguez a mentionné que le gouvernement libéral a doublé le budget du Conseil des arts du Canada. Il a également souligné la création de quatorze postes d’attachés culturels, la mise sur pied d’un programme de 125 millions $ pour soutenir le rayonnement à l’international des créations canadiennes et a cité comme exemple la production Cavalia et les créations de la firme Moment Factory.

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