Entrevue avec Simon Brault du Conseil des arts du Canada

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« On est capable maintenant de prendre beaucoup plus de risques. »

Revaloriser l’expérimentation artistique, en finir avec la négation de la culture autochtone, soutenir la relève, adopter une approche moins prescriptive vis-à-vis des créateurs, telles sont, entre autres, les nouvelles lignes directrices du Conseil des arts du Canada, qui tourne la page des années de l’austérité et vit un « moment historique, » selon son directeur Simon Brault. Entretien.

En guise de bilan de mi-mandat à la tête du Conseil des arts du Canada qu’il dirige depuis juin 2014, Simon Brault cite comme principales réalisations : l’adoption d’un nouveau modèle de financement, le programme de soutien aux arts autochtones et le « grand retour du Conseil sur la scène internationale, avec une présence beaucoup plus active. »

Abordant le nouveau modèle de financement, il met l’accent sur « l’approche beaucoup plus stratégique et axée principalement sur les ambitions et les volontés des artistes eux-mêmes et non sur ce que le CAC attend d’eux ». Selon M. Brault, ancien directeur de l’École nationale de théâtre du Canada et ancien président de Culture Montréal, cette approche a l’avantage d’être beaucoup moins prescriptive, plus ouverte aux nouveaux ­courants d’expression artistique et à même de répondre aux besoins immédiatement et non de manière décalée dans le temps.

Le projet artistique d’abord !

Simon Brault souligne la « reconfiguration complète de 157 programmes en six grands ­programmes beaucoup plus clairs et plus  transparents et pour lesquels on a défini les grandes attentes du CAC en matière d’impact ».

Selon lui, l’un des grands changements concerne les critères d’admissibilité aux   subventions. « Auparavant, on se prononçait d’abord sur le profil du demandeur et sur son admissibilité avant de s’intéresser au projet, rappelle-t-il. Maintenant, l’intérêt du CAC se porte d’abord sur le projet artistique, peu importe le profil de son porteur. »

Concernant la prochaine étape dans la mise en œuvre de ce nouveau modèle de financement, M. Brault annonce l’entrée en vigueur du nouveau système de soumission des demandes via un nouveau portail, lequel a occasionné un investissement d’environ 1,5 million $ et dont la mise en place a connu du retard en raison de problèmes techniques. Ce portail, qui sera près pour le 5 juin, va ­permettre de gérer des subventions dont le montant total s’élève à 310 millions $.

Nouveau paradigme

Aussi, le directeur souligne la « grande ouverture » du nouveau Fonds numérique, mis en place récemment, aux « acteurs qui ne sont pas forcément liés au CAC tels que les acteurs du privé, les universités, entre autres, et non seulement les partenaires habituels du Conseil […] Le CAC doit être plus actif pour accompagner le milieu des arts dans la transition et l’adaptation au numérique. Mais cet effort doit être vu surtout comme un changement de paradigme sociologique ». Il précise que le nouveau Fonds numérique, dont le budget s’élève à 88 millions sur quatre ans, vise à « faire une transformation des modèles organisationnels des institutions du   secteur, lequel est encore organisé selon des modèles qui datent de la deuxième moitié du 20e siècle ».

Il souligne également le programme Nouveau chapitre, créé à l’occasion du 150e de la Confédération, avec un budget de 35 millions $ et qui constitue « un réinvestissement historique dans les arts » dont bénéficieront beaucoup d’acteurs qui ne sont pas nécessairement des partenaires habituels du Conseil. « Il y aura beaucoup plus de demandeurs qu’il n’y en avait dans le passé, » promet-il.

Goût du risque

Simon Brault, Photo: Tony Fouhse

Simon Brault, Photo: Tony Fouhse

« On est maintenant capable de prendre ­beaucoup plus de risques artistiques, notamment pour revaloriser la recherche et l’expérimentation artistiques », dit Simon Brault. Le doublement progressif du budget du CAC sur une période de cinq ans (2016-2021) est selon lui « une approbation puissante et très encourageante de la part du nouveau gouvernement en faveur de la nouvelle orientation ». « On est en train de vivre un moment historique », se ­réjouit-il en constatant que le Canada fait ­actuellement figure d’exception. « Le Canada est le seul pays au monde où il y a eu un réinvestissement massif dans le financement des arts ces dernières années. Dans la plupart des pays, le ­financement des arts a été plafonné ou diminué. La majorité des gouvernements, de par le monde, choisissent d’investir plus dans l’industrie culturelle, dans l’économie créative et du ­savoir, mais pas vraiment dans les arts », dit l’auteur de l’essai à succès Le facteur C : l’avenir passe par la culture, conscient de son devoir. « Mon rôle est de démontrer que ces investissements sont judicieux et ont un réel impact ­structurant à court, à moyen et à long terme. »

25 % pour la relève

Simon Brault adore les engagements annonçant des tournants dans la vie du Conseil. Exemple : l’engagement de consacrer 25 % des sommes additionnelles (à peu près 125 millions $) d’ici 2021 pour des artistes et des organismes qui reçoivent pour la première fois un soutien du CAC. « C’est un immense investissement en faveur de la relève, un moment vraiment historique dans la vie du Conseil », s’exclame cet officier de l’Ordre du Canada et officier de l’Ordre national du Québec, distinctions qu’il a reçues pour son engagement envers la reconnaissance sociale des arts et de la culture.

Génocide culturel

Simon Brault insiste beaucoup sur la grande priorité qui lui tient à cœur : le soutien aux arts autochtones. « Le message que le CAC envoie aux institutions et aux organismes est qu’ils ont la responsabilité publique de mieux refléter la réalité du pays, notamment en soutenant les arts autochtones et en accordant plus de place aux membres des peuples autochtones dans leur programmation, dans l’embauche et dans la composition des conseils d’administration », indique-t-il, en exprimant sa profonde conscience du fait qu’au Canada, on a pratiqué pendant plus de cent ans « un système de  génocide culturel, une politique de colonisation et de négation de la culture autochtone ».

www.conseildesarts.ca

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