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Le retour du jazz Space-Age
Quelqu’un a dit un jour que le big band était au jazz ce que l’orchestre symphonique était à la musique classique. En effet, le big band joue souvent un rôle de gardien du passé, notamment avec les formations qui perpétuent un répertoire particulier (les fameux ghost bands) parfois pendant des décennies. Cependant, si le Sun Ra Arkestra correspond en partie à ce rôle, c’est en réalité un bien étrange exemple, comme le montrent des images marquantes de cette cohorte d’hommes, âgés pour la plupart, vêtus de robes chatoyantes et jouant de vieux morceaux swing ou des improvisations libres débridées.
De sa base de Morton Street à Philadelphie, l’ensemble tourne encore un peu partout, même si son leader, le saxophoniste centenaire Marshall Allen, ne sort plus des É.-U. depuis 2021. Enregistré en juin dernier et paru en novembre, Lights on a Satellite parcourt un siècle d’histoire du jazz, depuis le standard de 1922 Way Down Yonder in New Orleans qui conclut l’album jusqu’à une composition inédite de Sun Ra.
Depuis que Sun Ra a quitté notre Terre en 1993, l’Arkestra se présente comme le gardien de l’héritage de l’homme de Saturne. Membre du groupe depuis 1957, Allen en a repris la direction après la disparition de son voisin de pupitre, John Gilmore, en 1995; il entame ainsi sa 30e année à la tête de l’Arkestra. Parmi les autres membres, il en reste de moins en moins dont la connexion remonte à l’époque de Sun Ra lui-même, mais on y retrouve quand même quelques vétérans : le corniste Vincent Chancey (75 ans), le trompettiste Michael Ray (72), le percussionniste Elson Nascimento (69), le guitariste Carl LeBlanc (69) et le saxophoniste Knoel Scott (68).
Lights on a Satellite, paru sur l’étiquette allemande In+Out, présente une version augmentée de l’Arkestra, qui compte ici 23 membres. La chanteuse et violoniste Tara Middleton chante les fameux hymnes spatiaux dans l’esprit de la regrettée June Tyson, longtemps la voix de l’Arkestra. Cette version du groupe inclut également une petite section de cordes ainsi qu’une harpiste, qui donnent à certaines pièces une sonorité éthérée, un peu rétro.
Les albums de l’Arkestra parus depuis la disparition de Sun Ra ont tendance à regarder plutôt vers le passé que vers l’avenir et cet opus ne fait pas exception. L’intégralité des pièces sont tirées du répertoire de Sun Ra, y compris une pièce de 1955 découverte récemment, Baby Won’t You Please Be Mine. Les concerts de l’Arkestra sont avant tout des spectacles joyeux et l’album veut aussi refléter cette expérience, avec des morceaux comme Dorothy’s Dance, Joy Delight ou encore une partition classique de Fletcher et Horace Henderson du début des années 1930, Big John’s Special. D’autre part, les auditeurs qui chercheraient le côté plus expérimental du répertoire de Sun Ra trouveront leur bonheur avec une version de 13 minutes de Friendly Galaxy.
L’heure de Marshall
Bien sûr, un nouvel album de l’Arkestra est toujours un événement, mais ce 14 février verra aussi la parution du premier album « officiel » sous le nom de Marshall Allen, à l’âge de… 100 ans ! Au moment d’écrire ces lignes, seules deux pièces de cet opus, baptisé New Dawn, étaient parues. Tout d’abord, African Sunset bénéficie d’un arrangement luxuriant, avec les sonorités du saxophone électronique (EWI) d’Allen se superposant à la mélodie et au fond de cordes. La deuxième est la pièce-titre, chantée par nulle autre que Neneh Cherry ! Avec Allen, on retrouve quelques membres de l’Arkestra : le saxophoniste Knoel Scott, le trompettiste Cecil Brooks et le guitariste Bruce Edwards, alors que le légendaire bassiste Jamaaladeen Tacuma apparaîtra sur quelques pièces.
Lights on a Satellite
Sun Ra Arkestra, sous la direction de Marshall Allen
In+Out Records LP (IOR LP77158-1) & CD (IOR CD77158-2
New Dawn
Marshall Allen (saxophone alto, EWI, kora), Knoel Scott (saxophone baryton, congas, batterie), Cecil Brooks (trompette), Bruce Edwards (guitare), Jamaaladeen Tacuma, Richard Hill, Timothy Ragsdale (basses), George Gray (batterie), Jan Lankisch (percussion), cordes.
Week-End Records LP (WE13) et CD (WE13CD).
L’ARCHIVE DU MOIS
Vol. 7: The Lost Tapes, 1959
Terry Gibbs Dream Band
Terry Gibbs (vibraphone); Al Porcino, Ray Trisacri, Stu Williamson, Conte Candoli, John Audino, Lee Katzman (trompettes); Vern Friley, Bob Enevoldsen, Carl Fontana, Joe Cadena, Bill Smiley, Bob Burgess (trombones); Joe Maini, Charlie Kennedy, Med Flory, Bill Holman, Bill Perkins, Jack Schwartz (saxophones); Lou Levy, Pete Jolly, Benny Aronov (piano); Max Bennett, Buddy Clark (contrebasse); Mel Lewis (batterie).
Whaling City Sound WCS143 (CD)Deux jazzmen centenaires qui sortent des albums à quelques mois d’intervalle, c’est certainement un événement plutôt rare. Bien que le vibraphoniste Terry Gibbs ait raccroché ses baguettes, il reste actif, notamment sur les réseaux sociaux. Dans les années 1959-1961, il dirigeait un big band remarquable, actif principalement sur la côte ouest. Six volumes de cette formation étaient parus sur l’étiquette Contemporary; un septième volume inattendu fait maintenant surface, tiré d’une bande découverte récemment. Les 18 pièces interprétées ici sont dues à la crème des arrangeurs californiens de l’époque, notamment Bill Holman, Marty Paich et Bob Brookmeyer. Gibbs est le soliste principal, mais comme il le dit lui-même, le secret de son groupe résidait ailleurs : « Ce n’étaient pas les solos qui étaient importants, mais que tout le monde joue ensemble. » Ces excellents enregistrements saisissent bien cet
esprit, de plus avec une présence qui dément les 65 ans de ces bandes.On trouvera ce disque via le site de Whaling City Sound.
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