Maria Callas racontée par Joseph Rescigno

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Le chef d’orchestre italo-américain Nicola Rescigno a joué un rôle important dans le développement du Lyric Opera de Chicago et de l’Opéra de Dallas, qu’il a cofondés avec Carol Fox et Lawrence V. Kelly, respectivement en 1952 et 1957. C’est Rescigno qui a fait venir Callas aux États-Unis pour ses débuts en 1954, devenant ainsi l’un des chefs d’orchestre préférés de Maria Callas, aux côtés de Tullio Serafin et de Georges Prêtre.

Ils se rencontrent en Italie l’été précédant sa première saison à Chicago, où il entend Callas et lui propose immédiatement le rôle principal dans la prochaine production du LOC de Norma de Bellini, soit ses débuts aux États-Unis. Les deux artistes collaborent ensuite à de nombreux projets, dont son interprétation d’Il pirate au Carnegie Hall en 1959, ainsi qu’à plusieurs albums d’airs d’opéra populaires sous l’étiquette EMI et à des tournées nord-américaines et européennes.

« Ils étaient amis, explique son neveu, le chef d’orchestre américain Joseph Rescigno. Il l’adorait. Grâce à ce lien, j’ai pu la voir en concert à de nombreuses reprises et la rencontrer. Je les ai vus ensemble et  j’ai compris pourquoi elle aimait tant chanter avec lui. Comme chef, il a toujours été un merveilleux partenaire pour les chanteurs, mais l’alchimie entre Callas et lui était spéciale. Leur relation était empreinte d’un véritable respect mutuel. »

Il compare la relation entre son oncle et Callas à celle des membres d’un quatuor à cordes, un groupe de musiciens si habitués à créer ensemble qu’ils savent ce que les autres pensent. « Elle était sans aucun doute sa chanteuse préférée ».

« La première fois que je l’ai entendue chanter, j’avais neuf ans, à Chicago, raconte M. Rescigno, qui se souvient de l’émerveillement qu’il a éprouvé en entendant Callas lors d’une répétition d’orchestre pour Il Trovatore de Verdi. L’impact de sa voix dans cette petite salle de répétition reste mon souvenir d’elle favori. » Il l’a entendue chanter pour la dernière fois en 1959, lors d’un concert d’Il pirate pour l’American Opera Society; par contre sa dernière rencontre avec Callas n’était pas d’ordre musical, dit Rescigno, puisqu’un jour elle est passée dire bonjour à son oncle, auquel il rendait visite à Rome.

« Elle est l’une des plus grandes artistes opératiques du XXe siècle, ajoute-t-il. Elle était tout à fait unique – au-delà de sa voix fantastique, elle avait une profonde compréhension de la musique. Elle incarnait vraiment les rôles. C’était une artiste complète, totalement crédible. Avec Callas, on vivait une expérience ».

La voix Callas

Joseph Rescigno

Joseph Rescigno

Rescigno réfléchit à la maîtrise que Callas avait de son instrument, comparant l’expérience de l’entendre sur scène à celle d’entendre Joan Sutherland. « Ce que ceux qui ne les ont pas entendues en concert ne comprennent pas, dit-il, c’est qu’elles avaient de très grandes voix. Si elles voulaient s’ouvrir, elles le pouvaient – elles pouvaient égaler n’importe qui d’autre en taille, mais elles pouvaient également réduire leur voix à 15 % de sa puissance, si le répertoire l’exigeait. »

C’est cette polyvalence, dit-il, qui lui a permis d’interpréter un répertoire aussi varié à un haut niveau. « Elle disposait d’un instrument imposant, mais elle avait la capacité de l’affiner. C’est pourquoi elle était à la fois une Médée, une Tosca et une Lucia très impressionnantes. Je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui des chanteuses ayant la même tessiture. »

Au-delà des qualités de son chant, il souligne le dévouement de Callas à son métier : « Elle était la première arrivée aux répétitions et la dernière à partir. » Rescigno conteste l’idée selon laquelle Callas était difficile. « Elle était plutôt difficile avec elle-même, mais toujours très respectueuse avec ses collègues et elle travaillait très fort. »

Les changements survenus dans sa voix et dans sa vie professionnelle ont été largement remarqués par le public au début et au milieu des années 1950. « Elle se donnait constamment à 100 %, ce qui n’est pas sans conséquences. » Il se demande si ce tribut n’a pas été exacerbé par les « montagnes russes émotionnelles » résultant de sa relation avec Aristote Onassis. M. Rescigno compare la psychologie d’un interprète de musique classique à celle d’un athlète, notant que les tensions émotionnelles peuvent entraîner une perte de confiance. « Si on commence à douter de ses capacités […], cela peut avoir un impact terrible sur nos résultats. »

Rescigno partage l’un des plus grands regrets de Nicola : « Vers la fin de sa vie, il m’a raconté qu’après la mort de Lawrence Kelly en 1974, alors qu’il était encore directeur général de l’Opéra de Dallas, Callas l’a appelé et lui a proposé de reprendre son poste. Mon oncle ne croyait pas que cela fonctionnerait et il a refusé, mais rétrospectivement, cela aurait pu donner à Callas un but et prolonger sa vie. ».

À propos de Joseph Rescigno

Le chef d’orchestre américain Joseph Rescigno a beaucoup travaillé en Amérique du Nord et en Europe. Le public montréalais se souvient de ses prestations avec l’Opéra de Montréal, l’Orchestre Métropolitain et ses enregistrements sur Analekta. Son livre Conducting Opera: Where Theater Meets Music, est sorti en 2020 et un extrait a été publié dans le numéro d’avril/mai 2021 de La Scena Musicale. Depuis 2005, maestro Rescigno est directeur musical de La Musica Lirica, un institut de formation estivale pour jeunes chanteurs dans le nord de l’Italie. Cet été, il dirigera Madama Butterfly de Puccini dans le cadre de ce programme.

www.concertatore.com
www.lamusicalirica.com

Traduction par Mélissa Brien

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